Présences des Afriques, des Caraïbes et de l’Océan Indien dans l’Armée française
« Vous tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort. Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ? »
À l’occasion des célébrations du 100e anniversaire de la Grande Guerre (1914-1918) et du 70e anniversaire de la Libération (1943-1945), cette exposition qui accompagne la série de films Frères d’Armes, retrace une aventure unique. Il y a près de deux cent cinquante ans, la marine française recrutait des matelots (les Laptots) sur les côtes du Sénégal. Au même moment, dans les Caraïbes, on intégrait des « combattants noirs » dans les unités régulières, une pratique qui se développe avec la Révolution française. Aux côtés des troupes venues du Maghreb et de celles plus lointaines de l’ex-Indochine, de Polynésie ou de Nouvelle-Calédonie, ces combattants originaires des Antilles-Guyane, de l’océan Indien et d’Afrique de l’Ouest écrivent une geste exceptionnellement riche sur le continent européen. Ce récit est le fruit d’un long travail de recherche et d’écriture, qui a accompagné l’édition de l’ouvrage La France noire et fait suite aux expositions L’Appel à l’Afrique et La Force noire, mais c’est aussi la mise en lumière d’un patrimoine exceptionnel rassemblé ici pour la première fois.
L’exposition s’attache à la présence de ces combattants dans l’Hexagone, elle nous parle des tirailleurs africains et malgaches, des combattants des Comores et de la Côte française des Somalis, des soldats créoles des Antilles-Guyane ou de ceux de la Réunion, des engagés kanaks de Nouvelle-Calédonie, mais aussi des combattants afro-américains qui, par deux fois, viennent combattre sur le sol de France. Si les décolonisations marquent un tournant, le visage que nous offre aujourd’hui l’armée française est le fruit de cette longue tradition de diversité. Retracer cette histoire, faire ressurgir les mémoires, c’est tenter de déconstruire un enchevêtrement de mythes, loin des images fabriquées. C’est aussi s’attacher à ce passé commun qui existe entre la France, l’Afrique et les outre-mer, et qui participe aujourd’hui d’une mémoire commune au cœur de notre société de la diversité.
Entre revalorisation des pensions militaires, commémorations régulières et mise en valeur de nombreux mémoriaux (Chasselay, Nogent-sur-Marne ou Fréjus), collections des musées ou des salles d’honneur du ministère de la Défense, transmission aux jeunes générations de combattants des décorations collectives décernées aux anciens, les mémoires se trouvent désormais célébrées au-delà des cercles militaires. Il est désormais temps de bâtir une histoire partagée, avec distance et critique, et de croiser les mémoires pour désormais « chanter » en commun nos « frères d’armes ».