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Bourgogne Franche-Comté, présence des Suds

La relation entre la Bourgogne-Franche-Comté et les espaces ultramarins commence lorsqu’en 1789, les villageois de Champagney en Haute-Saône et de Toulon-sur-Arroux en Saône-et-Loire réclament dans leurs cahiers de doléances l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Elle se poursuit par l’incarcération, en 1802, au fort de Joux dans le Doubs et la mort, l’année suivante, de Toussaint Louverture, qui amorça le processus d’indépendance d’Haïti. Des troupes venues des colonies sont également présentes dans la région lors de la guerre de 1870. Par ailleurs, dans ce dernier tiers du XIXe siècle, l’apport de main-d’oeuvre étrangère, pour l’heure, à caractère essentiellement frontalier, s’intensifie, nourri par un flux en provenance de Suisse, ancré sur la longue durée, et stimulé par les conséquences de la perte de l’Alsace-Lorraine. À l’orée du XXe siècle, les ailleurs et les influences migratoires et coloniales ont donc déjà fait de la région un espace de croisement et d’ouverture au monde, d’autant plus qu’en 1896, le docteur Philippe Grenier, élu de Pontarlier, devient symboliquement le premier député musulman de l’Assemblée nationale.

Dès la Grande Guerre, des ouvriers coloniaux et chinois arrivent en Bourgogne-Franche-Comté, et certains y demeurent après l’Armistice. Le véritable essor des migrations de travail en provenance des Suds se produit, néanmoins, après 1945 pour répondre aux besoins de main-d’oeuvre des Trente Glorieuses, alors même que l’on constate parallèlement l’arrivée d’étudiants et de rapatriés en lien avec les espaces coloniaux. Le flux de travailleurs non-européens se diversifie et l’immigration en provenance d’Algérie se renforce, à partir de la fin des années 1960, alors que de nouvelles immigrations se développent avec le recrutement effectué au Maroc ou en Turquie. Ces hommes seuls sont bientôt rejoints par leurs femmes et enfants à la suite de la suspension, en 1974, de l’immigration de travail et de l’accélération du regroupement familial. Loger célibataires et familles constitue alors, pour les entreprises et les pouvoirs publics, un défi, qu’ils auront du mal à relever.

La crise économique, consécutive aux différents chocs pétroliers affecte durement les bassins industriels de la région et engendre un net mouvement de reflux de la population immigrée réduite au chômage. À partir des années 1980, les jeunes issus de l’immigration postcoloniale tentent de se faire entendre dans l’espace public et le tissu associatif se densifie. L’arrivée, dès la décennie précédente, de réfugiés ou de demandeurs d’asile venus du Sud-Est asiatique ou d’Afrique élargit le paysage migratoire, alors que les Chibanis se retrouvent, souvent seuls, dans les foyers après une vie de labeur. Le chômage, les discriminations et la ségrégation scolaire et urbaine, qui touchent très souvent les populations issues de l’immigration extra-européenne, sont des enjeux contemporains fondamentaux auxquels la société doit désormais se confronter, tandis que les immigrations européennes se fondent plus aisément dans le paysage associatif, culturel et de la représentation politique.

Si cette histoire a encore trop souvent du mal à faire mémoire localement, elle se diffuse néanmoins au cours des années 2000 à travers un processus de patrimonialisation diffus et s’affirme dans la vie culturelle régionale. En 2014, la Bourgogne-Franche-Comté compte cent soixante-quinze mille immigrés, soit 6,2 % de la population régionale, une composante désormais partie prenante des identités locales.

 

Dossier « Fabriques citoyennes » et Immigration

 


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