Expositions

Les forces noires (1914-1918)

« Certains hommes se détachent de la foule et viennent nous serrer les mains. Je les entends dire : « Bravo les tirailleurs sénégalais ! Vive la France !… »

Bakary Diallo, Force bonté, 1926

Pendant la Première Guerre mondiale, cent vingt-six mille Africains, les célèbres « tirailleurs sénégalais », ainsi que quarante mille combattants des anciennes colonies et vingt-neuf mille soldats malgaches montent au front aux côtés des métropolitains, des Indochinois, des Maghrébins et des coloniaux. Présentés comme des « troupes d’assaut », ils sont également utilisés à l’arrière et deviennent une main-d’œuvre indispensable à l’économie de guerre. Malgré l’intervention du député sénégalais Blaise Diagne (focus 2), le recrutement de la « Force noire » mené par Charles Mangin (focus 1) provoque des révoltes en Afrique, des désertions ainsi que des exemptions dans les vieilles colonies. Néanmoins leur loyauté au combat est reconnue et ils participent aux batailles les plus âpres : à Verdun en 1916, sur le front de l’Aisne en 1917, à Reims en 1918. Des combattants s’illustrent par leur fait d’armes comme le Guadeloupéen Sosthène Mortenol qui devient un héros de la défense aérienne de Paris.

De 1914 à 1918, des milliers de malades et blessés afro-antillais sont soignés dans des hôpitaux qui leur sont réservés comme celui du Jardin colonial du bois de Vincennes. Dans les camps, comme à Fréjus ou Saint-Raphaël, les mois d’hivernage constituent, pour tous ces soldats, une occasion de côtoyer des Français de tous milieux. Cependant, les soldats noirs restent prisonniers du discours patriotique et de ses stéréotypes, fixant l’image du « bon Noir » dans l’opinion française. Lors de l’entrée en guerre des États-Unis, l’état-major américain envoie des troupes afro-américaines en Europe. Contrairement à l’armée française la ségrégation y est structurelle. Ainsi les Noirs sont employés pour les services logistiques, mais on refuse de les armer. C’est sous le commandement français, et revêtus de l’uniforme des « poilus » que les premiers d’entre eux montent au front. Tout au long de ces années, la propagande utilise le tirailleur sénégalais pour stigmatiser les Allemands, présentés comme des barbares plus « sauvages » encore que ceux qu’on leur oppose. Au regard raciste succède un intérêt paternaliste et la création de nombreux monuments (focus 3) même si l’autorité militaire exerce une surveillance permanente sur les activités et loisirs des soldats afro-antillais.

 

La force noire de Charles Mangin

Le lieutenant-colonel Charles Mangin propose, en 1908, un recours plus important aux troupes africaines. Il se fait dès lors l’avocat implacable de cette « armée noire » à travers des articles, des missions d’enquêtes et, enfin, avec la publication de son ouvrage La Force noire en 1910. S’appuyant sur la crise démographique de la France face à l’Allemagne, il propose de recruter cinq mille tirailleurs sur quatre ans pour former une réserve d’intervention. Dans un contexte de peur d’une nouvelle guerre contre l’Allemagne, le Parlement, la presse et une partie de l’opinion publique se passionnent pour le projet qui sera mis en place au cours de la Première Guerre mondiale.

Blaise Diagne (1872-1934)

Né en 1872 sur l’île de Gorée au Sénégal, Blaise Diagne est le premier député africain élu à la Chambre des députés française en 1914. Il obtient, pour les habitants des « Quatre Communes », la citoyenneté en échange de leur conscription en 1916. En 1917, le député Diagne s’indigne contre le fait que les troupes noires soient utilisées par Charles Mangin comme de la « chair à canon ». Pourtant, en 1918, il devient Commissaire général chargé du recrutement indigène en Afrique. En choisissant de soutenir l’entreprise coloniale de la France, il est nommé sous-secrétaire d’État aux Colonies au début des années 30 et, dans le cadre de ses fonctions, il inaugure l’Exposition coloniale internationale de 1931.

Le monument aux héros de l’armée noire

Inauguré le 13 juillet 1924 à Reims par Édouard Daladier, ministre des Colonies, ce monument porte les noms des principales batailles où les troupes africaines ont été engagées pendant la Première Guerre mondiale, et possède un double à l’identique à Bamako. Il fut détruit par les Allemands lors de la campagne de 1940 et, depuis 2008, plusieurs projets s’engagent pour le rebâtir afin de rendre hommage aux soldats noirs qui ont combattu pour la France.


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