La Fascination pour l’ailleurs (1900-1918)
« Ces Cambodgiennes nous ont donné tout ce que l’Antique peut contenir, leur Antique à elles, qui vaut le nôtre. »
Georges Bois, 1906
En ce début de siècle, Paris est déjà la « capitale des arts » où s’élaborent les avant-gardes, un lieu d’émulation où se pressent des artistes du monde entier. Les galeries d’art, musées, spectacles et autres expositions universelles font de Paris une scène incontournable, dont l’esprit bohème et cosmopolite fait la saveur. À Montmartre, à Montparnasse, au Bateau-Lavoir ou à La Ruche, se croisent Aïcha la mulâtresse, Érik Satie, Amedeo Modigliani, Ossip Zadkine, Chaïm Soutine, Constantin Brancusi, Tsugouharu Foujita, Marie Vassilieff, Pablo Picasso… Dans ce bouillonnement créatif se développe chez ces artistes un attrait pour l’art nègre, que les marchands d’art relaient en proposant à la vente des œuvres africaines. Ce Paris du début de siècle, c’est aussi le théâtre, avec une scène comme les Folies-Bergère qui présente, entre autres, les spectacles de la danseuse américaine Loïe Fuller, ou le Nouveau Cirque, qui construit son succès sur ses deux vedettes, les clowns Footitt et Chocolat. Ces lieux témoignent de l’avènement d’une culture populaire du divertissement, tandis que les affiches publicitaires en couleurs, qui en font la promotion, façonnent l’image d’un Paris dédié à la fête, des spectacles d’acrobates exotiques aux Ballets russes.
La capitale attire également une immigration de travail et culturelle — d’origine italienne, suisse, roumaine, russe, allemande, et belge, surtout — qui génère aussi le métissage culturel. Ainsi, le genre musette résulte-t-il de la fusion entre les musiques auvergnate et italienne. Dans le même temps, les expositions universelles font découvrir au public les musiques, les danses et les chants des empires coloniaux et des nations étrangères. Les visiteurs de l’Exposition universelle de Paris, en 1900, ont pu découvrir l’actrice et danseuse tragique japonaise Sada Yacco, des artistes égyptiens, soudanais, abyssins et syriens au grand théâtre du palais de l’Égypte ou écouter de la musique arabo-andalouse au cœur des cafés maures. Alors que résonnent les premiers coups de canons de la Première Guerre mondiale, en août 1914, les flux migratoires en provenance des colonies s’intensifient, du fait de la mobilisation militaire. Avec l’entrée en guerre des États-Unis, huit régiments de combattants afro-américains arrivent en France, notamment le 369e d’infanterie, connu sous le nom de Harlem Hellfighters de James Reese Europe et Noble Sissles, qui lance le jazz en France. Ce n’est donc pas un hasard si, à l’automne 1917, le spectacle de réouverture du Nouveau Casino, Laissez les tomber !, fait découvrir à son public le ragtime et les musiques noires venues d’Amérique.