Portraits de France, films

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Série Artistes de France

Artistes des 4 coins du monde au cœur de la culture française… Œuvrant pour favoriser le « vivre ensemble » et le partage d’une histoire commune, héritière de la tradition des saltimbanques, de la chanson populaire ou figure du cinéma français, la série Artistes de France doit s’envisager à la fois comme un divertissement pédagogique et comme un outil pour enseigner l’histoire de France. Cette collection de portraits aborde l’histoire des artistes et de la diversité à travers différentes approches (aires  géographiques, disciplines artistiques [hors littérature], périodes historiques…) dans le siècle donnant ainsi un spectre large et cohérent à ce récit sur le temps long.

Pascal Blanchard et Lucien Jean-Baptiste 
Bonne Pioche/France Télévisions (2016)

42 épisodes 

Série Artistes de France, Pascal Blanchard et Lucien Jean-Baptiste Bonne Pioche/France Télévisions (2016)
Poster vidéo : Série Artistes de France, Pascal Blanchard et Lucien Jean-Baptiste Bonne Pioche/France Télévisions (2016)
Découvrir la présentation de la série par ses auteurs
Henri Salvador (1917-2008)

Henri Salvador est né en Guyane le 18 juillet 1917 et arrive au Havre avec toute sa famille en août 1929. Arrêtant les études très tôt, il se rend rapidement compte que son rire est sa meilleure arme. Après la découverte des disques de Louis Armstrong et Duke Ellington, il se prend de passion pour le jazz. Avec son frère, il se produit dans les cabarets parisiens où son talent d’humoriste et de musicien remporte un vif succès. On note sa présence, en 1935, au Jimmy’s Bar. Django Reinhardt l’engage alors comme accompagnateur. Ray Ventura le remarque ensuite et l’intègre à son orchestre de décembre 1941 à décembre 1945. Ils partent alors en Amérique du Sud.

Il lance son propre orchestre en 1946 avec succès. Grâce à sa première scène le 18 octobre 1947 à Bobino, il devient une vedette. Deux ans plus tard, il obtient le Grand prix du disque de l’Académie de Charles-Cros et se produit à l’ABC dans la revue Mistinguett Paris s’amuse. Il devient l’un des premiers à proposer des airs de rock’n’roll en français sous le pseudo d’Henry Cording. Cette même année 1956, il enregistre son 45 tours Salvador Plays the Blues. Au cours de ces années, il compose avec Bernard Michel ses plus grands succès comme Zorro est arrivé, Les Aristochats, Une chanson douce, Monsieur Boum Boum, Faut rigoler ou encore Juanita Banana. Grâce à ses chansons comiques, il enchaîne les plateaux télé et est consacré comme chanteur populaire.

En 1989, il participe au conte musical Émilie Jolie dans lequel il interprète trois chansons dont l’une avec Françoise Hardy et Émilie Chatel. Après une longue pause, il revient en 2000, grâce à Keren Ann et Benjamin Biolay avec l’album Chambre avec vue et son titre phare Jardin d’hiver. Un an plus tard, il reçoit deux Victoires de la musique, une dans la catégorie groupe ou artiste interprète masculin de l’année et une dans la catégorie album de variétés de l’année pour Chambre avec vue et la médaille d’or de l’Académie française. En 2006, il sort son album Révérence et met fin à sa carrière au Palais des Congrès de Paris le 21 décembre 2007. Le 13 février 2008, il disparaît et est enterré au cimetière du Père Lachaise.

Henri Salvador raconté par Lucien Jean-Baptiste

Enrico Macias (né en 1938)

Issu d’une famille juive et algérienne, Gaston Ghrenassia, voit le jour le 11 décembre 1938 à Constantine. Violoniste de musique arabo-andalouse, son père l’introduit dans l’orchestre de Cheikh Raymond. Afin d’assurer son quotidien, il devient instituteur tout en continuant la guitare. En pleine guerre d’Algérie, les communautés sont montées les unes contre les autres et, en 1961, Cheikh Raymond est assassiné dans des conditions troubles. Marié avec la fille de ce dernier, Enrico Macias décide de quitter le pays pour rejoindre l’Hexagone où il commence une modeste carrière musicale. Raymond Bernard, chez Pathé, lui fait enregistrer Adieu mon pays, puis Enrico Macias passe à la télévision.

En 1963, il fait sa première tournée en chantant un de ses succès Enfants de tous pays. Représentant de la communauté des pieds-noirs, sa carrière prend une ampleur internationale. Il se produit à L’Olympia, reçoit le prix Vincent-Scotto, puis traverse les pays méditerranéens ; sa tournée en URSS, dans plus de quarante villes, est un triomphe (120.000 personnes au stade Dynamo de Moscou). Il part pour le Japon et, en 1968, fait un tabac au Carnegie Hall de New York, prémices de nombreuses dates dans les plus grandes villes américaines. Sa renommée internationale est magistrale et il multiplie les tours de chant dans les salles les plus prestigieuses : L’Olympia à Paris, le Royal Albert Hall à Londres ou encore l’Uris Theater à Broadway. Disque d’or en 1976 pour son album Mélisa, il est invité par le président Anouar El Sadate à se rendre en Égypte.

Enrico Macias est un fervent défenseur de la paix. Il se produit devant 20.000 personnes au pied du Centre Pompidou en chantant Aimez-vous les uns les autres. Grâce à cette performance, en 1980 le secrétaire général de l’ONU lui remet le titre de « chanteur de la Paix » et, en 1997, la même institution le nomme « ambassadeur itinérant pour promouvoir la paix et la défense de l’enfance ». En 1986, sa chanson Viva les Bleus est l’hymne officiel de la coupe du monde. Après avoir vainement tenté de se produire en Algérie en 2000, il écrit son livre Mon Algérie. Pendant quelques années, il revient aux sources du répertoire arabo-andalou guidé par sa nostalgie orientale, avec l’album Voyage d’une mélodie, et ses duos avec le chanteur kabyle Idir ou l’Israélienne Yasmin Levy. En 2012, il a fêté les 50 ans d’une carrière exceptionnelle, tournée vers l’autre et ses origines.

Enrico Macias raconté par Smaïn

Interview de Smaïn

Joséphine Baker (1906-1975)

Freda Josephine McDonald est née le 3 juin 1906, à St-Louis dans le Missouri. Elle se fait remarquer par ses capacités à danser et à chanter. Elle s’engage très jeune dans une troupe qui sillonne les États-Unis et rencontre Willie Baker qu’elle épouse en 1921 et qu’elle quitte très vite pour tenter sa chance à New York ; Broadway l’a fait rêver et elle est sûre de son talent. Changeant souvent de compagnie, elle se fait connaître, à moins de 20 ans, par le spectacle La Revue nègre au Théâtre des Champs-Élysées à Paris alors qu’elle vient à peine de débarquer à Cherbourg (le 25 septembre 1925). Elle danse vêtue d’un simple pagne de bananes sur un rythme encore inconnu en Europe, le charleston. Après une tournée en Europe, Joséphine Baker remonte sur les planches des Folies-Bergère, en 1927.

Puis sur les conseils de Giuseppe Abatino, elle se lance dans la chanson et tourne dans le film La Sirène des tropiques. Un an plus tard, il organise la tournée de la chanteuse mondiale après avoir ouvert le club Chez Joséphine. En 1934, elle tourne dans deux films : Zouzou avec Jean Gabin avec la fameuse chanson Fifine puis Princesse Tam Tam. Vedette de music-hall dans le Paris de l’entre-deux-guerres, star internationale, elle obtient la nationalité française en 1937. Pendant la Drôle de guerre (1939), elle participe au Théâtre aux Armées et interprète pour les soldats J’ai deux amours composée par Vincent Scotto, qu’elle chante pour la première fois, en 1931, au Casino de Paris.

Après la débâcle de juin 1940, elle devient, dès novembre 1940, un agent de la France libre. Sous couvert de ses activités artistiques, elle part ensuite en 1941 à Alger puis s’engage dans le Théâtre aux Armées alliées d’Algérie pour soutenir les combattants. Joséphine Baker intègre officiellement, en juin 1944, l’armée de l’air avec le grade de sous-lieutenant, en offrant concerts et spectacles. Après la guerre, elle souhaite relancer sa carrière aux États-Unis entre 1947 et 1951. Victime de ségrégation raciale, elle s’engage dans le mouvement des droits civiques de Martin Luther King. Elle participe en 1963 à la marche vers Washington. Décorée de la médaille de la Résistance puis de la Légion d’honneur, elle est aussi titulaire de la croix de guerre avec palme. Décédée le 12 avril 1975 après un dernier succès à Bobino à Paris, elle reçoit les honneurs militaires avant d’être inhumée, le 15 avril 1975, à Monaco.

Joséphine Baker racontée par Sonia Rolland

Interview de Sonia Rolland

Dalida (1933-1987)

Iolanda Gigliotti est née le 17 janvier 1933 dans les faubourgs aux portes du Caire. Son père, d’origine italienne, était premier violon à l’Opéra de la capitale. Même si elle se produit sur scène dans le théâtre de son école, après la guerre, elle travaille dans la maison de couture Donna. Elle devient mannequin et obtient le titre de Miss Égypte 1954, puis tourne dans quelques films comme Un verre, une cigarette de Niazi Mostafa. Son rêve est de devenir actrice. À l’âge de 21 ans, elle se rend alors à Paris. Elle débute par des petits cabarets puis passe à la Villa d’Este. Elle y est repérée par Bruno Coquatrix qui lui suggère de participer à un concours à L’Olympia en présence d’Eddie Barclay et Lucien Morisse, directeur d’Europe 1. Ce dernier va alors prendre sa carrière en main.

Le 28 août 1956, Dalida sort son premier 45 tours puis un second mais il faut attendre la sortie de Bambino pour que le succès soit au rendez-vous. Lucien Morisse lui fait ensuite enregistrer de nouveaux titres comme Come prima, Gondolier, J’ai rêvé, Les Enfants du Pirée, Romantica qui la propulsent au rang de vedette. Avec l’arrivée en France de la jeune génération yéyé, Dalida doit se renouveler. Elle chante alors T’aimer follement et Itsi bitsi petit bikini, Chaque instant de chaque jour, Il Silenzio. Durant cette période, elle joue dans L’Inconnue de Hong Kong de Jacques Poitrenaud avec Serge Gainsbourg. En 1965, elle devient la chanteuse préférée des Français. Elle revisite Avec le temps de Léo Ferré, Je suis malade de Serge Lama ou Il venait d’avoir 18 ans. Elle chantera tout de même ses grands succès comme Paroles… Paroles… ou Gigi l’Amoroso. Avec ce titre, elle est numéro un dans douze pays. Durant ces années, elle se produit à trois reprises à L’Olympia (1971, 1974 et 1977).

En 1975, c’est l’arrivée du disco. Elle produit alors son album Coup de chapeau au passé avec les titres J’attendrai ou encore Laissez-moi danser. Puis elle renoue avec ses racines et chante Salma ya salama qui devient un tube planétaire, chanté en français, en arabe égyptien, en italien et en allemand. En 1986, elle tourne dans le film de Youssef Chahine, Le Sixième jour. Elle se produit en avril 1987 en Turquie. Mais, trop malade, elle se suicide le 2 mai 1987. Trente ans après sa mort, les chansons de Dalida font toujours autant recette et ses disques sont vendus à des millions d’exemplaires.

Dalida racontée par Isabelle Giordano

Interview d’Isabelle Giordano

Louis de Funès (1941-1983)

Issu d’une famille d’immigrés espagnols, Louis de Funès fait une première apparition en 1933 comme figurant dans Deux Orphelines de Maurice Tourneur. Pianiste, il joue aussi de nombreux petits rôles. Il se fait remarquer dans le film Ah ! Les belles bacchantes réalisé par Jean Loubignac en 1954, avant de se retrouver face à Jean Gabin dans La Traversée de Paris, deux ans plus tard. Dès lors, les films s’enchaînent tandis qu’il connaît un grand succès sur les planches avec la pièce Oscar en 1960. En 1963, il tient le premier rôle dans Pouic-Pouic et sa vie de star commence véritablement pendant cette décennie avec Le Gendarme de Saint-Tropez, les débuts de Fantômas et Le Corniaud. Ces films donnent tout son éclat à son inénarrable duo avec Bourvil, binôme fabuleux que l’on retrouve dans La Grande vadrouille (1966).

Celui qui est devenu le maître de la comédie populaire des années 1960 change un peu de ton avec un film comme L’Homme orchestre (1970). Les films et les scènes cultes ne cessent de se renouveler avec Gérard Oury qui dirige La Folie des grandeurs (1971), ou Les Aventures de Rabbi Jacob (1973). En 1975, Louis de Funès est victime d’un infarctus. Cela ne l’empêche pas de repartir pour de nouvelles aventures hilarantes avec Claude Zidi en 1976 et 1978, avec L’Aile ou la Cuisse aux côtés de Coluche, qui traite de la malbouffe, tandis que La Zizanie aborde à sa manière les questions de la pollution, thème qui fait son entrée dans la vie politique française.

Les années 1980 s’inscrivent dans une tout autre dynamique avec L’Avare, de Jean Girault et Louis de Funès (sa première co-réalisation), adaptée de la pièce de théâtre de Molière, qui reste très fidèle à l’œuvre originale malgré quelques rares incartades typiques de l’acteur. En 1980, le roman de René Fallet, La Soupe aux choux, sort en librairie. Sous le charme, Louis de Funès se lance personnellement dans son adaptation. Les années passant, ce long métrage devient un film culte aux répliques connues de tous ! Le Gendarme et les Gendarmettes (1982), sixième de la série, sera son dernier film en 1982.

Louis de Funès raconté par Frédéric Chau

Johnny Hallyday (1943-2017)

Jean-Philippe Smet naît le 15 juin 1943 à Paris, d’un père d’origine belge. Au divorce de ses parents, il suit sa tante artiste en tournée. Il fait ses débuts lorsque la déferlante du rock’n’roll envahit la France. Sur les traces d’Elvis Presley, il passe au Golf-Drouot en 1959. Son premier 45 tours sort chez Vogue en 1960, il se fait appeler maintenant Johnny Hallyday. Il fait des premières parties, rentre chez Philips et commence à rencontrer un large public. En 1962, Let’s Twist Again se vend à un million d’exemplaires, triomphe qui lui permet de réaliser Johnny Sings America’s Rocking Hits à Nashville. Depuis 1954, sa carrière au cinéma a débuté par des rôles de figurants et, en 1963, on le voit aux côtés de Sylvie Vartan dans D’où viens-tu, Johnny ?, film pour lequel il a aussi composé la musique.

Alors qu’il effectue son service militaire en 1964, Le Pénitencier lui donne encore plus de notoriété, et c’est l’année suivante qu’il épouse Sylvie Vartan, faisant la une de tous les médias. En 1969, il fête ses dix ans de carrière au Palais des Sports. Durant les années 1970, il enchaîne les tubes, Que je t’aimeJ’ai un problèmeLa musique que j’aime, Gabrielle ou encore J’ai oublié de vivre… Michel Berger dirige la mise en scène de son nouveau spectacle à Bercy en 1987. Six ans plus tard, il célèbre ses 50 ans au Parc des Princes avec un concert mémorable. Les collaborations les plus prestigieuses se renouvellent, notamment avec Jean-Jacques Goldman, Pascal Obispo pour le disque Ce que je sais (qui inclut le hit Allumer le feu) et Gérald de Palmas avec Marie.

En 2011, c’est Matthieu Chédid qui est aux manettes tandis que Miossec reprend une partie du flambeau l’année suivante. En 2013, Johnny Hallyday fête ses 70 ans de scène à Bercy avec le spectacle Born Rocker Tour qui prend la route des États-Unis. Ce show sera suivi des retrouvailles avec Jacques Dutronc et Eddy Mitchell pour le spectacle Les Vieilles canailles. Enregistré à Los Angeles, Rester Vivant sort en 2014, suivi par De l’Amour, son cinquantième album en studio réalisé par Yodelice, qui aborde plus qu’à l’habituel des questions de société. Mythe vivant, Johnny Hallyday est toujours au sommet de sa notoriété.

Johnny Hallyday raconté par Mouss Amokrane

Interview de Mouss Amokrane 

Pablo Picasso (1881-1973)

Pablo Ruiz Picasso est né à Malaga en Espagne le 25 octobre 1881. Son père est conservateur de musée puis professeur de peinture à l’école des Arts et Métiers. Ce dernier le poussera à composer ses premiers tableaux comme Le Petit Picador jaune (1889) à l’âge de 8 ans. Six ans plus tard, il peint sa première grande toile académique La Première Communion. Il part ensuite à l’école des Beaux-Arts de Barcelone et produit notamment Science et charité (1896). Alors que sa toile Les Derniers Moments représente l’Espagne à l’Exposition universelle de 1900 à Paris, il se rend dans la capitale où il s’inspire de l’atmosphère du Moulin de la Galette. À la période bleue succède la période rose pendant deux ans. Ces tableaux dominés par le rouge abordent la joie, la mélancolie et l’amour comme dans Les Trois Hollandaises (1905). Il fait alors la connaissance de Guillaume Apollinaire, Amedeo Modigliani ou encore Fernande Olivier. Cette dernière le conduit au village de Gósol où Pablo Picasso conçoit son célèbre tableau Les Demoiselles d’Avignon ; il s’inspire d’une carte postale du Sénégal, où sont représentées des femmes wolof, achetée lors d’une Exposition coloniale en 1906. Cette toile est considérée comme le tableau fondateur du cubisme.

Avec Georges Braque, il lance le mouvement cubiste. De cette période, on peut aussi évoquer ses collages et assemblages comme Nature morte à la chaise cannée (1912) ou encore Guitare(s) (1912). Pendant la Première Guerre mondiale, il rencontre Serge de Diaghilev et entre dans sa période des ballets russes. L’année 1925 marque une rupture dans sa production. Influencé par les peintres surréalistes, ses tableaux se font plus violents : Femmes dans un fauteuil (1926) ou Baigneuse assise (1930).

En 1936, la Guerre civile espagnole éclate, alors qu’il est nommé directeur du musée du Prado à Madrid. Le 26 avril 1937, des bombardements opérés par des avions nazis à la demande du général Franco à Guernica sont effectués. Picasso, horrifié par ces actions, se lance dans la production d’une de ses œuvres majeures, Guernica. Il y exprime toute sa colère et dénonce l’horreur de la guerre. Cette toile fut exposée à l’Exposition internationale à Paris en 1937. Grand partisan de la paix, il peint, après la guerre, la célèbre Colombe de la paix (1949) à l’occasion de son adhésion au Conseil mondial de la paix. Une grande rétrospective au Grand Palais et au Petit Palais est proposée en 1966 à Paris. Lors de ses dernières années, il s’installe près de la montagne Saint-Victoire où il disparaît le 8 avril 1973.

Pablo Picasso raconté par Abd Al Malik

Interview d’Abd Al Malik

Charles Aznavour (1924-2018)

Né Aznavourian en 1924 à Paris, d’un père et d’une mère arménienne apatride de passage en France pour migrer aux États-Unis, Charles Aznavour court très jeune après les cachets et les petits rôles dans le domaine du spectacle. C’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale que sa carrière commence lorsqu’il compose quelques titres avec le pianiste Pierre Roche et devient l’aide de Charles Trenet et d’Édith Piaf, pour qui il écrit quelques chansons. Il l’accompagne cette dernière dans sa tournée américaine entre 1947 et 1948. C’est aussi chez elle qu’il rencontre Gilbert Bécaud, en 1950. Tenace, Charles Aznavour travaille pour améliorer sa voix, et l’année 1956 représente un premier chapitre dans sa vie de chanteur. Pour son passage à L’Olympia, il chante Sur ma vie, qui devient un grand succès populaire.

Sa carrière est lancée et, en 1960, Je m’voyais déjà obtient un véritable triomphe. C’est aussi le début de sa carrière au cinéma. Durant les années qui suivent, il nous laisse des classiques de la chanson française : Tu t’laisses aller (1960), Il faut savoir (1961), Les comédiens (1962), La mamma (1963), For Me Formidable (1964), La Bohème (1965), Emmenez-moi (1967) et Désormais (1969). En 1972, il défraye la chronique en chantant Comme ils disent, texte qui aborde avec respect — fait rare —, le thème de l’homosexualité. Dans les années 1970, il joue énormément à l’étranger. Suite au tremblement de terre en 1988 qui frappe son pays d’origine, il monte la fondation Aznavour pour l’Arménie et, l’année suivante, Pour toi Arménie, en collaboration avec plus de 80 artistes, se hisse au sommet des hit-parades.

En 1995, il rachète les éditions musicales Raoul Breton, puis se consacre à l’écriture de livres en commençant par Mon Père, ce géant. En 2008, le président de la République d’Arménie lui confère la citoyenneté arménienne et, l’année suivante, il accepte le poste d’ambassadeur d’Arménie en Suisse. Il est aussi représentant permanent de l’Arménie auprès de l’ONU à Genève. Durant ces 80 années d’une carrière éblouissante, Charles Aznavour est l’auteur de plus de 800 chansons et a joué dans plus de s60 films.

Charles Aznavour raconté par Lilian Thuram

Interview de Lilian Thuram

Django Reinhardt (1910-1953)

Django Reinhardt, de son vrai nom Jean Reinhardt, est né dans une roulotte, le 23 janvier 1910, dans la communauté manouche, en Belgique. Son père est pianiste et violoniste ambulant. Django Reinhardt commence le violon à 5 ans et poursuit sa vie de nomade avec ses parents sur le pourtour méditerranéen avant de revenir en France à la barrière de Choisy (proche de Paris). Django Reinhardt se voit offrir un banjo-guitare pour ses 12 ans et il joue sans cesse. En 1928, alors qu’il se produit ici et là pour survivre, il est piégé dans l’incendie de sa roulotte et en sort brûlé, avec une main mutilée (il perd l’usage de deux doigts). Refusant l’amputation, son frère Joseph lui offre une guitare pour rééduquer sa main et Django Reinhardt invente une technique à deux doigts pour jouer.

En 1930, il découvre le jazz et réalise, l’année suivante, son premier disque avec Louis Vola et son orchestre. Engagé dans La Boîte à Matelots à Cannes qui ouvre une autre salle à Paris, où il se produit, il rencontre le chanteur Jean Sablon, qui lui propose une tournée, ainsi que des enregistrements. Il fait aussi la connaissance du violoniste Stéphane Grappelli, avec qui il fonde le mythique « Quintette du Hot Club de France » en 1934. La formation qu’ils montent est le premier orchestre français à cordes qui joue du jazz. La production Ultraphone publie leurs premiers enregistrements. Le groupe, qui joue dans le quartier Montparnasse, fait un tabac, attirant les plus grands musiciens de jazz comme Coleman Hawkins ou Louis Armstrong.

Le succès est au cœur de sa carrière et le jazz manouche est désormais reconnu, il enregistre de nombreux disques : Nuages (1940), La Marseillaise (1945), et joue dans toute l’Europe. Puis il part aux États-Unis où il joue avec Duke Ellington, Bill Coleman, Benny Carter, Michel Warlop, Cole Porter, Eddie South et Fats Waller, avant de revenir en France. À l’arrivée du Be-bop, il compose de nouveaux morceaux. En 1953, Eddie Barclay lui fait enregistrer huit titres, cet album sera l’un de ses disques les plus importants ; il marque les amateurs de jazz et inspire la future génération. Le 8 avril 1953, il enregistre son dernier disque. Il quitte ce monde prématurément le 16 mai 1953 à Samois-sur-Seine, frappé par une congestion cérébrale. Créateur du jazz manouche, style toujours vivant, son influence reste toujours phénoménale.

Django Reinhardt raconté par Thomas Dutronc

Serge Gainsbourg (1928-1991)

Le 2 avril 1928, naissent à Paris Lucien Ginzburg et sa sœur jumelle, Liliane. Leurs parents se sont installés à Paris en 1919 après avoir fui la Russie. Son père, musicien et peintre, joue du jazz. Lucien commence le piano, et fait la rencontre de Fréhel en 1938. En 1945, il rentre à l’école des Beaux-Arts de Paris, il veut devenir peintre. Pour gagner sa vie, il joue du piano dans les bars, découvre le jazz et compose, en 1954, six chansons qu’il dépose à la Sacem. En 1958, il arrête la peinture et devient Serge Gainsbourg.

Il signe, en 1958, chez Philips son premier disque Du chant à la une ! où figure sa célèbre chanson Le poinçonneur des Lilas, album honoré du grand prix de l’Académie Charles-Cros et encensé par Boris Vian dans Le Canard enchaîné. Son deuxième album ne marche pas et il écrit alors pour d’autres, comme Juliette Gréco. En 1959, il signe sa première musique de film pour L’eau à la bouche. En 1961, sort son troisième album, L’étonnant Serge Gainsbourg. Il passe à L’Olympia, invité de Jacques Brel, puis de Juliette Gréco. C’est en 1963 que Serge Gainsbourg enregistre, à Londres, La Javanaise. Les albums se suivent jusqu’à la rencontre avec France Gall, jeune chanteuse de 16 ans, pour qui il écrit Les Sucettes — cette chanson le fait entrer au hit-parade. En 1965, leur Poupée de cire, poupée de son remporte le prix Eurovision de la chanson. Dans les années 1960-1970, il tourne beaucoup pour le cinéma et la télévision (dans, par exemple, Ce sacré grand-père ou Le Pacha). Son idylle avec Brigitte Bardot donne lieu à de nombreuses collaborations, dont Je t’aime… moi non plus qui fait scandale. La même année, il rencontre Jane Birkin, jeune comédienne anglaise qui commence à enregistrer des titres qu’il a composés.

En 1972, il collabore pour la première fois avec Jacques Dutronc et, durant les années qui suivent, il multiplie provocations et chansons de génie. En 1979, Aux armes et cætera fait scandale en même temps qu’un énorme succès. En 1984, il enregistre à New York un disque à l’accent funk Love on the beat, plus grosse vente de sa carrière. En 1990, Serge Gainsbourg écrit tout un album pour Vanessa Paradis, puis il signe son dernier album pour Jane Birkin, Amours des feintes. En mars 1991, il disparaît après 33 ans d’une carrière prolifique.

Serge Gainsbourg raconté par Samuel Le Bihan

Interview de Samuel Le Bihan

Ernest Léardée (1896-1988)

Musicien et compositeur martiniquais, Ernest Leardée a marqué l’histoire de la biguine. Né en 1896 dans les bas-quartiers de Fort-de-France, rien ne le prédestinait à devenir musicien. Il se retrouve, par hasard, apprenti chez un luthier qui lui apprend la musique et la fabrication des instruments. Il suit son patron dans les bals et part bientôt en tournée avec un orchestre brésilien. De retour sur son île, il travaille dans un salon de coiffure, court les bals et les dancings. Violoniste, Ernest Léardée joue aussi de la clarinette et du saxophone. Il s’associe, en 1919, avec Alexandre Stellio, compositeur de musique pour les films muets. Mais, il rêve de la capitale et de ses « folies nègres » qui commencent à faire parler d’elles.

Ernest Léardée met en gage son salon de coiffure pour payer le voyage et débarque à Paris en 1929 avec Stellio et plusieurs amis musiciens. Leur orchestre, le Stellio’s Band, inaugure le Bal Glacière avec un succès retentissant. Ils gravent leurs premiers disques. Il décide alors de créer son propre orchestre pour Le Bal Nègre de la rue Blomet et succède à Jean Rézard de Wouves qui avait créé le lieu en 1924. Il enregistre ses premières compositions de biguine créole et ne tarde pas à ouvrir son propre cabaret en 1931, L’Élan noir. La musique noire est à la mode et Ernest Léardée joue dans de multiples formations. Il dirige même son orchestre.

Il retourne à la coiffure pendant l’Occupation, mais reprend la musique dès la Libération. Il joue alors dans les bals et les cabarets : Le Potomac, Le Sérail, La Canne à sucre, La Boule blanche… Il enregistre pour la radio et continue de composer de la biguine. Il fait notamment trois disques pour Eddie Barclay. Il dirige même le casino de Saint-Pair-sur-Mer de 1961 à 1966 puis à plus de 70 ans, il prend la direction du Léardée Dancing Club. Il enregistre pour le cinéma, avec la chanteuse Téty Silva et le chanteur Christian Juin. Il devient l’égérie et l’interprète de la publicité Uncle Ben’s pour la télévision française. En 1988, Ernest Léardée disparaît. Il est inhumé avec sa clarinette et son violon. Il est accompagné dans ce dernier voyage par son titre La complainte du Mont Pelé qui est sa dernière composition en 1985, interprétée par Malavoi et chantée par Ralph Tamar lors du tournage du film documentaire Le Roman de la biguine.

Ernest Léardée raconté par Pascal Légitimus

Linda de Suza (1948-2022)

De son vrai nom Teolinda Joaquina de Sousa Lança, Linda de Suza est née le 22 février 1948 à Beringel au Portugal dans la région de l’Alentejo. Issue d’une famille pauvre, elle est placée dans un internat pour jeunes filles pauvres. À l’âge de 13 ans, elle est contrainte de commencer à travailler à l’usine. Devenue mère à l’âge de 18 ans, elle tente plusieurs fois de venir en France mais c’est en 1973 qu’elle s’installe définitivement à Paris. Elle trouve des emplois dans les usines, et comme femme de chambre dans les hôtels parisiens.

Pendant son temps libre, elle se produit dans des restaurants des puces de Saint-Ouen en interprétant des chansons de la diva portugaise Amalia Rodrigues. Remarquée par Claude Carrère, elle signe son premier contrat avec sa maison de disques. Linda de Suza conquiert alors le cœur des Français. Elle représente pour eux, une nouveauté dans le paysage de la variété et un parfum d’exotisme. Les Portugais voient en elle, l’incarnation de leur immigration en France, l’exil, et retrouvent le folklore de leur pays. En 1978, Linda de Suza sort son premier 45 tours, Un Portugais, extrait de l’album En France, qui devient un succès. Elle passe à la télévision à des heures de grande écoute dans des émissions de variétés. Dès lors, les albums et les tubes s’enchaînent avec des titres comme Tiroli-Tirola (reprises de chansons traditionnelles portugaises) ou encore La Fille qui pleurait, Une fille de tous les pays, Lisboa… Elle se produit à L’Olympia en 1983 et en 1984, année de publication de son récit autobiographique La valise en carton. Les ventes se comptent à plus d’un million et demi d’exemplaires. Le livre est adapté en comédie musicale puis en série télévisée.

La chanteuse publie un dernier album en 1991, intitulé Simplement vivre, puis se retire de la scène au milieu des années 1990. En 2001, Linda de Suza revient sur le devant de la scène et chante dans le titre Les Gens des baraques du groupe de rap La Harissa (groupe composé de deux frères nés en banlieue parisienne issus de l’immigration portugaise). Tout au long de sa carrière, Linda de Suza est restée une icône de l’immigration portugaise et a réussi à trouver sa place dans le patrimoine culturel français.

Linda de Suza racontée par Philippe Torreton

Interview de Philippe Torreton

Sylvie Vartan (née en 1944)

Sylvie Vartan est née le 15 août 1944 à Iskretz en Bulgarie. En 1952, la famille décide d’émigrer en France et s’installe dans un hôtel. Malgré la barrière de la langue, elle réussit son passage d’entrée en sixième. Son frère qui l’initie à la musique anglo-saxonne, au jazz et surtout au rock naissant, obtient un poste de directeur artistique chez RCA. Il recrute Sylvie Vartan pour donner la réplique en duo à Frankie Jordan. Le disque est un succès. Elle signe un contrat avec la maison de disques, et se lance dans une carrière personnelle. En 1961, elle sort son premier titre Quand le film est triste et fait son premier Olympia. Elle part en tournée et collabore avec Jean-Jacques Debout. Elle est une des chanteuses de la période yéyé les plus appréciées.

Son idylle avec Johnny Hallyday a commencé et, peu de temps après, le couple s’envole pour les États-Unis où elle enregistre son tube : La plus belle pour aller danser. On la remarque également au cinéma puis elle enregistre à New York en anglais A gift wrapped from Paris. En 1965, elle se marie avec Johnny Hallyday, c’est un véritable événement médiatique. Elle accumule les succès, en Espagne, en Amérique Latine, avec Johnny Hallyday à L’Olympia de Paris, et travaille la scénographie de ses tours de chants pour en faire des shows spectaculaires. Après un grave accident de voiture, elle remonte sur scène, chante Comme un garçon et, en 1971, part en tournée en Afrique, en France, au Japon puis à Los Angeles où elle travaille son show à l’américaine qu’elle présente ensuite à L’Olympia. En 1973, J’ai un problème devient disque d’or et fait l’objet de versions en différentes langues. Ses apparitions mobilisent un large public et ses shows télé passent dans de nombreux pays. En 1975, au Palais des Congrès à Paris, le spectacle est un triomphe et, deux ans après, elle récidive sur la même scène avec un nouveau titre phare : Qu’est-ce qui fait pleurer les blondes ?

En octobre 1990, Sylvie Vartan retrouve la Bulgarie et donne un concert à Sofia. Elle est consacrée au cinéma en 1993 avec L’Ange noir de Jean-Claude Brisseau et rejoint Johnny Hallyday au Parc des Princes pour fêter les 50 ans du chanteur. En 1996, son album Toutes les femmes ont un secret rassemble les collaborations de Richard Cocciante, Jean-Louis Murat ou Yves Simon. En 1998, Sensible sort en octobre et un mois plus tard elle reçoit la Légion d’honneur à l’Élysée. Pour ses 60 ans, Sylvie Vartan sort un livre autobiographique, Entre ombre et lumière et un nouvel album intitulé Sylvie. Infatigable, elle continue à sortir des disques et à se produire partout dans le monde et, plus récemment, en 2016, elle publie un nouveau livre intitulé Maman.

Sylvie Vartan racontée par Aïssa Maïga

Interview d’Aïssa Maïga

Salvador Dali (1904-1989)

Salvador Felipe Jacinto Dalí y Doménech est né le 11 mai 1904 en Catalogne. Au début des années 1920, il rentre à l’école des Beaux-Arts de Madrid d’où il sera renvoyé. Il fait alors la connaissance du poète Federico García Lorca et du futur cinéaste Luis Buñuel, tandis qu’il rencontre Pablo Picasso à Paris en 1926 et produit La Corbeille de pain. Il intègre, grâce à Joan Miró, le groupe des surréalistes avec André Breton à leur tête. Paul Éluard lui rend visite avec sa femme Gala à Cadaqués durant l’été 1929. C’est le coup de foudre et Gala devient sa compagne et sa muse de toujours. L’année suivante, L’Âge d’or, film réalisé avec Luis Buñuel après Un chien Andalou, passe en exclusivité à Paris et les Éditions Surréalistes publient son livre La Femme visible.

Dans les années 1930, ses expositions individuelles se succèdent (en 1933 à New York) où sont exposées les toiles comme Le grand Masturbateur ou encore La Persistance de la mémoire. En 1938, il rencontre Sigmund Freud et, l’année suivante, il signe les costumes et les décors pour le ballet Bacchanale au Metropolitan Opera House à New York. Peu de temps après, André Breton l’évince du groupe surréaliste. Dalí s’installe alors aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. Le musée d’Art moderne de New York réalise sa première exposition rétrospective en 1941. Dalí publie son autobiographie La Vie secrète et additionne les collaborations pour des décors de ballets.

En 1945, il conçoit les passages oniriques du film d’Alfred Hitchcock La maison du docteur Edwards et, l’année suivante, c’est Walt Disney qui l’engage pour Destino. Le tournant des années 1950 est marqué par sa période mystique et « nucléaire », où les thèmes religieux et scientifiques sont prépondérants. Son Manifeste mystique en est le miroir. Sa créativité ne tarit pas dans les années 1960 et 1970 : illustrations, décors, costumes, sculptures, bijoux, Dalí est insatiable et fantasque. La mort de Gala, en 1982, sonne le glas de cette grandiose activité. Meurtri par l’incendie de sa maison, affaibli par un cœur de plus en plus fragile, il quitte ce monde à Figueras en janvier 1989.

Salvador Dali raconté par Audrey Pulvar

Interview d’Audrey Pulvar

Lino Ventura (1919-1987)

Né en Italie en 1919, Lino Ventura est le fils d’un immigré italien. Afin de fuir le fascisme, il quitte son pays avec sa mère pour rejoindre son père en France. Son intégration dans ce nouveau pays est complexe. Mis à l’écart dans sa scolarité, il décide d’aider sa mère à subvenir aux besoins de la famille et quitte l’école à l’âge de 8 ans pour enchaîner plusieurs petits boulots. Durant sa jeunesse, il s’initie au sport où il se forge ainsi une mentalité de gagnant. À l’heure de la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé dans l’armée italienne mais, très vite, il déserte.

À la sortie de la guerre, il devient catcheur et prend le surnom de  la « fusée italienne ». Il remporte même le titre de champion d’Europe des poids moyens pour l’Italie en 1950. Trois ans plus tard, Jacques Beker lui propose de jouer dans son film Touchez pas au grisbi. Il incarne alors le rôle d’un robuste italien, Angelo, aux côtés de Jean Gabin. Suite à sa prestation remarquée et remarquable, on lui confie le rôle du gorille dans Gorille vous salue bien puis d’autres rôles lui sont offerts comme dans Classe tous risques (1958) ou encore José Giovanni (1960) auprès de Jean-Paul Belmondo. Souvent cantonné aux rôles de truand et de policier, il enchaîne les prestations dans Les Grandes Gueules et Les Aventuriers. Mais Lino Ventura marquera les esprits et le cinéma français pour ses inoubliables prestations de Fernand Naudin dans les Tontons Flingueurs (1963) et dans Barbouzes de Francis Lagneau (1964). Deux ans plus tard, alors qu’une de ses filles est victime d’un grave accident vasculaire à sa naissance, il créé, avec sa femme, l’association Perce-Neige. Quelques années plus tard, son talent est reconnu internationalement grâce à son jeu de mafieux dans Cosa Nostra (1972) de Terence Young.

À partir des années 1980, ses apparitions à l’écran se font moins nombreuses mais tout aussi remarquable comme dans Garde à vue (1981) de Claude Miller ou dans Les Misérables (1981) de Robert Hossein. À sa mort, le 22 octobre 1987, Lino Ventura aura joué dans 75 films pendant près de 34 ans et reste 30 ans plus tard l’un des plus grands acteurs français.

Lino Ventura raconté par Frédéric Taddeï

Habib Benglia (1895-1960)

Né en 1895 à Oran de parents caravaniers, Habib Benglia est originaire du Soudan français (actuel Mali). Il a vécu toute son enfance à Tombouctou avant de débarquer, avec ses parents, en France pour livrer des dromadaires au Jardin d’Acclimatation en 1912. Happé par la vie parisienne, il ne rentre pas au Soudan, mais traîne dans les cafés du côté du Conservatoire. Un soir de 1913, au Café Riche, alors qu’il s’amusait à déclamer des vers, il est remarqué par Régine Flory. Elle le présente à Cora Lapercerie qui l’engage au Théâtre de la Renaissance. Il commence par des figurations, puis on lui confie bientôt des rôles. La Première Guerre mondiale se déclare et Habib Benglia est mobilisé avec les troupes françaises comme tant d’autres tirailleurs.

Démobilisé avant la fin de la guerre, il reprend le théâtre avec Firmin Gémier et devient dans les années 1920, l’acteur fétiche des avant-gardes. Il joue dans la troupe de Fernand Bastide puis travaille avec Gaston Baty et les Compagnons de la Chimère. En 1923, il défraye la critique en incarnant l’Empereur Jones d’Eugène O’Neill sur le plateau du Théâtre national de l’Odéon dont Firmin Gémier vient de prendre la direction. Dès lors, il apparaît comme le seul grand acteur noir d’Europe. On le compare alors à Ira Aldrige. Il enchaîne bientôt les rôles dans les mises en scène de Gaston Baty : maître-coq dans Cyclone de Gantillon, féticheur dans À l’ombre du mal de Lenormand, vendeur ambulant dans Le Simoun de Lenormand. Il entre dans la troupe de l’Odéon et joue le prince du Maroc dans Le Marchand de Venise, Philostrate dans Le Songe d’une nuit d’été, le Muphti dans Le Bourgeois gentilhomme.

Parallèlement au théâtre, Habib Benglia donne des récitals de danse au Théâtre des Champs-Élysées, et mène des revues d’abord à l’Apollo (1921), puis aux Folies-Bergère (1925). Dans les années 1930, Habib Benglia fait du cinéma. Il tournera une cinquantaine de films. Il est notamment le mystérieux soldat sénégalais de La Grande Illusion de Jean Renoir. Il ouvre aussi un cabaret à Montparnasse, Le Train bleu. Après-guerre, comme les engagements ne se bousculent guère, Jean Paul Sartre, lui écrit un rôle, celui du « Nègre » dans La P… respectueuse, créée au Théâtre Antoine. Puis, il travaille pour la radio et le doublage. Il meurt en 1960 après avoir joué dans une centaine de pièces et avoir contribué au développement théâtral aussi bien en France qu’en Afrique.

Habib Benglia raconté par Sami Bouajila

Interview de Sami Bouajila

Chocolat (1865-1917)

Raphaël de Lejos pour les journalistes, Raphaël Padilla pour ses amis qui le firent inhumer sous ce nom, mais pour le public, dont il fut l’enfant chéri, il était le clown Chocolat. Il est né à Cuba, de parents esclaves. Vendu par une vieille Cubaine, il se retrouve comme garçon de femme à Bilbao en Espagne à 16 ans. Repéré par le clown Tony Grice, qui l’avait engagé comme nouvel acrobate-cascadeur de son spectacle équestre, il débute avec lui sur la piste du Nouveau Cirque, tout fraîchement débarqué à Paris, sous le nom d’« El Rubio ». C’est alors la mode des Négros burlesques venus d’Amérique. Dans ce contexte d’exotisme, le jeune artiste cubain à la bouille chocolat enflamme le Nouveau Cirque en 1888 avec une pantomime nautique endiablée, La noce de Chocolat. Il apparaît au bras d’une jeune mariée blanche et doit courir et sauter dans tous les sens pour la retrouver. Ce spectacle, qui n’est pas sans provocation pour l’époque, sera repris presque tous les ans jusqu’en 1907.

En 1892, on comptait déjà deux cents représentations de cette pantomime ! Chocolat se retrouve alors dans la plupart des grands spectacles du Nouveau Cirque jusqu’en 1909 : AmericaLa GrenouillèreL’Île aux singesLes Vingt-huit jours de ChocolatChocolat Aviateur… Il devient une vedette nationale. Après avoir créé un premier duo d’un tout nouveau genre avec le clown blanc Kesten, il invente, en 1894, avec le clown anglais Foottit, un tandem noir et blanc célèbre qui marquera l’histoire du cirque. Le monde publicitaire en fixera l’image dans les mémoires à travers les campagnes Félix Potin pour les tablettes de chocolat et même pour les pneus Michelin. Toulouse-Lautrec l’immortalisera en « roi de la danse ».

Foottit et Chocolat vont devenir des légendes du music-hall et du cinéma comme en témoignent les films des frères Lumière et d’Émile Reynaud. En 1911, Firmin Gémier confie à Chocolat un rôle au théâtre dans une pochade politique, mais l’expérience est un échec. La critique se moque de sa diction « petit nègre ». C’est en 1917, alors que son fils est au front, que Chocolat est retrouvé mort dans un petit hôtel de Bordeaux. Il y était en tournée pour le cirque Rancy avec les clowns Bob O’Connor et George Foottit. Après sa mort, son fils perpétua le personnage qu’il avait créé en formant de nouveaux duos, notamment Chocolat et Porto au cirque Médrano.

Chocolat raconté par Firmine Richard

Interview de Firmine Richard

Jamel Debbouze (né en 1975)

Jamel Debbouze est né à Paris le 18 juin 1975. Il est issu d’une famille marocaine et grandit à Trappes où il est gravement accidenté, perdant l’usage de son bras droit. Remarqué par Alain Degois, il fait ses débuts au théâtre en 1991 à l’occasion du championnat de France junior de la Ligue d’improvisation française. Puis, il fait ses premières apparitions à la télévision sur la chaîne marocaine 2M. Quatre ans plus tard, il est repéré par les dirigeants de Radio Nova, qui lui accordent une chronique intitulée Le Cinéma de Jamel. Il réalise sa première scène avec son spectacle C’est tout neuf. Puis, c’est le temps des premières télévisions, en 1996, sur Paris Première.

Deux ans plus tard, il propose sur Canal+ sa chronique Cinéma de Jamel et participe à la série avec Éric et Ramzy. En parallèle, il participe à plusieurs films comme Zonzon de Laurent Bouhnik (1998) ou Le Ciel, les Oiseaux et… ta mère ! de Djamel Bensalah (1999). Les portes du cinéma s’ouvrent alors à lui avec deux gros succès Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulin de Jean-Pierre Jeunet (2001) et Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat (2002). Il enchaîne aussi les spectacles avec Jamel en scène (1999), Jamel Show (2000) ou encore Jamel 100 % Debbouze (2004). En 2005, il tient le premier rôle dans Angel-A de Luc Besson. Cette même année, il co-produit au côté de Rachid Bouchareb Indigènes qui sort en 2006Ce film engagé raconte le parcours des tirailleurs algériens venus se battre durant la Seconde Guerre mondiale. À l’occasion de ce film, il reçoit, avec Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan, le prix d’interprétation masculine lors du 59e édition du Festival de Cannes. Pendant ces années, il n’oublie pas sa première passion, l’humour. Il inaugure en 2008 le Comedy Club où il donne leur chance aux jeunes talents. Il profite de cette période pour remonter sur scène avec ses shows et présente Le Jamel Comedy Club Show en 2009 et Made in Jamel en 2010.

Cette même année, il retrouve Rachid Bouchareb dans Hors-la-loi et, un an plus tard, il tient l’un des rôles principaux dans le film d’Alain Chabat, Sur la piste du Marsupilami. L’année 2011 marque son retour au show comique et, en janvier 2011, il présente son spectacle Jamel improvise puis, en février, il joue Tout sur Jamel au Casino de Paris. Il reprend le cinéma en 2013 avec La Marche de Nabil Ben Yadir et, deux ans plus tard, il réalise son premier film d’animation pour enfants Pourquoi j’ai mangé mon père. Pour 2017, il prépare un nouveau spectacle Maintenant ou Jamel.

Jamel Debbouze raconté par Rachid Benzine

Interview de Rachid Benzine

Mike Brant (1947-1975)

Moshé Brand, naît le 2 février 1947 à Chypre d’une mère réchappée d’Auschwitz, et d’un père, résistant polonais ayant rejoint l’armée soviétique. D’abord refoulés de Palestine, ils s’installent à Haïfa en 1948, après la constitution de l’État d’Israël. Moshé se passionne tôt pour le chant. À 8 ans, il chante dans une chorale, à la synagogue, et imite déjà les crooners américains. Bientôt, pour dompter ce garçon impétueux, ses parents l’envoient dans un kibboutz. Il le quitte à 15 ans et essaye divers petits métiers en restant préoccupé par le chant. Avec The Chocolates, groupe formé en 1962, il joue dans les hôtels et les cabarets d’Haïfa, puis au-delà, reprenant les standards de ses idoles, dont Dean Martin, Ray Charles, Bing Crosby et Frank Sinatra. En 1968, il enrichit son expérience avec le Lakat Karmon, troupe avec laquelle il interprète des airs traditionnels lors d’une tournée internationale en Afrique, en Australie et aux États-Unis.

En 1969, Sylvie Vartan et Carlos le découvrent dans un hôtel de Téhéran. Frappés par son talent et bien qu’il ne parle pas français, ils l’incitent à venir en France. À Paris, le parolier Jean Renard le prend en main, crée son nom de scène et un premier répertoire, dont Laisse-moi t’aimer, 45 tours vendu à un million deux cent mille exemplaires en 1970-1971. Avec son titre Mais dans la lumière, il remporte le grand prix RTL international le 28 octobre 1970. Dès lors, de nombreuses collaborations avec les plus grands voient le jour. En effet, Dalida lui propose de participer à son spectacle à L’Olympia en novembre 1971 et il part en tournée avec Esther Galil.

Très vite, ses titres pour « midinettes » caracolent en tête du hit-parade : Qui saura (1972), C’est ma prière (1972), Rien qu’une larme (1973), C’est comme ça que je t’aime (1974), Qui pourra te dire ? (1974). Mais ses managers successifs le cantonnent dans un rôle de bellâtre alors qu’il aspire, depuis toujours, à une carrière internationale de chanteur à voix. Épuisé par un rythme frénétique — enregistrements, obligations médiatiques, deux cent cinquante galas par an —, contrarié par une carrière qui lui échappe en grande partie, inquiété par la situation en Israël depuis la guerre du Kippour (1973), Mike Brant sombre dans la dépression. Après une première tentative de suicide, il met fin à ses jours le 25 avril 1975.

Mike Brant raconté par Sébastien Folin

Interview de Sébastien Folin

Féral Benga (1906-1957)

Né en 1906 au Sénégal, Féral Benga découvre Paris avec son père en 1923 pour un voyage d’agrément. Embarqué dans le tourbillon des « folies nègres » qui secouent alors les nuits de la capitale, il décide de rester à Paris. Son corps d’athlète lui vaut très vite des figurations au music-hall et le voilà bientôt engagé dans La Folie du Jour le tout nouveau spectacle des Folies-Bergère avec Joséphine Baker en vedette, après le succès de La Revue nègre. Dans le tableau humoristique de La Boule de fleur, où un académicien myope prend un homme noir pour Fatou la pulpeuse « négresse », Féral Benga joue tous les soirs les travestis et imite Joséphine sous les rires des spectateurs. Sa carrière au music-hall est lancée. Il est alors recruté comme danseur dans la formation des Colored Boys au Casino de Paris, puis participe à plusieurs revues.

L’année de l’Exposition internationale coloniale de Paris, en 1931, il est consacré « Étoile noire » du music-hall avec L’Usine à folies aux Folies-Bergère où il danse dans un fabuleux tableau exotique Le plateau de la négresse. Il est l’égérie et le modèle de plusieurs artistes de la Harlem Renaissance, comme le sculpteur Richmond Barthé, le peintre James Amos Porter, et fait le tour de l’Europe. Jean Cocteau l’engage pour incarner l’ange noir dans son tout premier film, Le sang d’un poète (1930). Il tourne également dans le film de Léon Joannon Quand Minuit sonnera en 1936. En 1933, en pleine montée du nazisme, Féral Benga conçoit avec Jean Fazil une création chorégraphique au Théâtre des Champs-Élysées qui défraye la critique, le Gala de danses blanc et noir, où la danse africaine rencontre les musiques classiques et les negro spirituals.

Il fait ensuite connaissance avec l’anthropologue anglais Geoffrey Gorer. Un an plus tard, il part avec lui pour un long voyage d’étude à travers l’Afrique de l’Ouest à la découverte des traditions chorégraphiques africaines. Son but est de créer un ballet africain mais le projet ne verra jamais le jour bien qu’annonciateur de celui de Fodéba Keita et Douta Seck, créé après la guerre. En 1947, il ouvre à Saint-Germain-des-Prés, La Rose Rouge, un célèbre cabaret-théâtre où l’on croise le tout-Paris. Une superbe scène pour y faire entendre les voix de la négritude. Féral Benga meurt en 1957 à Châteauroux.

Féral Benga raconté par Julie Gayet

Annie Cordy (1928-2020)

Née à Laeken, commune de Bruxelles, le 16 juin 1928, sous le nom de Léonie Juliana, elle rêve, jeune déjà, de la scène et de ses lumières. Adoptée par la France, dès le début des années 1950, Annie Cordy triomphe, à Paris, comme meneuse de revue dans des salles mythiques telles l’ABC, le Lido ou le Moulin Rouge. Son image est associée aux « trucs en plume et à paillettes », Annie Cordy souhaite devenir une grande chanteuse populaire. Ce sera chose faite dès 1955.

En cinq ans, elle est devenue une vedette majeure de la chanson française. Elle triomphe à L’Olympia et à Bobino et recevra même, pour la chanson Oh Bessie !, le grand prix de l’Académie Charles-Cros. À partir de cette date, elle enchaîne les tubes : de Salade de fruits (1959), à Tata Yoyo (1981) en passant par le cultissime La bonne du curé (1974), dont elle écoulera plus d’un million de singles. Devenue chanteuse et comédienne, Annie Cordy n’a cependant pas perdu son sens de la scène et du show. Chanteuse d’opérette pour Francis Lopez dans Tête de Linotte en 1957, elle retrouve aussi en 1961, Luis Mariano — avec lequel elle avait joué dans le film Le chanteur de Mexico en 1956 — dans Visa pour l’Amour.

À partir de 1965, la carrière d’Annie Cordy prend un nouveau tour. Grâce à Maurice Chevalier, elle devient l’une des plus grandes et des premières « show-women » de la scène music-hall parisienne. Elle impose alors son style dans plusieurs spectacles à grand succès : Annie Cordy en deux actes et 32 tableaux (1965), La tête de l’art (1970), Hello Dolly (1972) et Nini la Chance (1976). Artiste prolixe et prolifique, Annie Cordy accumule, en plus de 50 ans de carrière, les records. Avec plus de 600 chansons enregistrées, chantées dans près de 6.000 galas, la Belge « rigolote » à l’éternel sourire, a ainsi rejoint le patrimoine de la chanson populaire française.

Annie Cordy racontée par Claudia Tagbo

Interview de Claudia Tagbo

Luis Mariano (1914-1970)

Luis-Mariano Eusebio Gonzalez est né en 1914 à Irun, au Pays Basque espagnol. Il se retrouve à Bordeaux quand sa famille y trouve refuge pour fuir la guerre civile espagnole. Attiré par les arts, il s’inscrit à l’école des Beaux-arts tandis que sa passion pour le chant le fait rentrer au conservatoire. Il reçoit les cours de Miguel Fontecha et de Clemente Gueardi. Il se lance dans l’opérette, en prenant Luis Mariano comme nom de scène. Fin 1943, il arpente les planches du Palais de Chaillot dans le rôle d’Ernesto de Don Pascual et se produit fréquemment à la radio. Cette même année, il fait une importante rencontre avec Francis Lopez et Raymond Vinci avec lesquels il monte La Belle de Cadix, au théâtre du Casino Montparnasse. L’opérette, dont il crée lui-même les décors et costumes, est accueillie avec enthousiasme par un public grandissant. Elle garde l’affiche pendant deux années en faisant de lui une véritable star.

En 1951, l’opérette Le Chanteur de Mexico le conduit au Théâtre du Châtelet. Adaptée cinq ans plus tard au cinéma par Richard Pottier, elle est connue de tous par sa célèbre chanson Mexico. Luis Mariano avait déjà travaillé avec bonheur sous la direction du même réalisateur, en 1952, pour l’opérette filmée franco-espagnole Violettes impériales. Ses interprétations au cinéma s’enchaînent durant cette période (il joue le rôle du ténor Garat, en 1955, dans le Napoléon de Sacha Guitry) tout comme les tours de chant dans les plus grandes salles du monde entier.

À la fin des années 1950, il intègre la caravane du cirque Pinder pour une importante tournée dans l’Hexagone. Au tournant des années 1960, l’opérette n’est plus à la mode, toutefois on le retrouve avec Le Secret de Marco Polo en 1959, et Le Prince de Madrid en 1967 qui fait plus de 500 représentations au théâtre du Châtelet. L’année suivante, il crée La Caravelle d’or, opérette à grand spectacle, présentée en 38 tableaux. C’est son dernier spectacle. Après quelques mois difficiles, il se retire et quitte ce monde, le 14 juillet 1970.

Luis Mariano raconté Rokhaya Diallo

Claude François (1939-1978)

Claude François est né le 1er février 1939 en Égypte. En 1956, lorsque Nasser nationalise le canal de Suez, il est obligé de s’expatrier en France avec sa famille et c’est à Monte-Carlo qu’ils s’installent dans un premier temps. Pour vivre, Claude François court le cachet dans les grands hôtels de la Côte d’Azur où il débute dans des orchestres en qualité de percussionniste sous le nom de scène Kôkô. Il chante alors les chansons de Colette Deréal, Charles Aznavour, Mouloudji, Ray Charles. En 1961, il part à Paris, sur les conseils de Brigitte Bardot et Sacha Distel, et il contribue à la transformation de la variété française influencée par la mode yéyé. Il participe à l’émission Salut Les Copains et débute à L’Olympia.

À partir de 1963, il enchaîne les succès. Il adapte d’abord Made to Love des Everly Brothers qui deviendra son premier tube sous le titre français de Belles, Belles, Belles ! Parmi tous ses succès, Comme d’Habitude (1967) sera repris par les plus grandes vedettes internationales de Paul Anka à Elvis Presley tandis que Le Téléphone Pleure sera vendu à plus de deux millions d’exemplaires et repris à l’étranger. Très vite, aux yeux de ses fans, il deviendra « Cloclo » et son style disco deviendra sa griffe. Il signe des titres importants notamment avec l’album Magnolias Forever sur lequel figure le titre éponyme de l’album ainsi que la chanson Alexandrie, Alexandra dont le 45 tours sortira le 15 mars 1978, jour de ses obsèques. Dès 1966, son jeu de scène s’enrichit grâce à une revue menée par quatre danseuses, les Claudettes. Cette révolution, dans le monde de la chanson et la télévision, laisse le souvenir d’une chorégraphie personnalisée composée de petits pas et de moulinets de bras.

Outre ses qualités de chanteur, Claude François a été photographe de charme sous le pseudonyme de François Dumoulin, éditeur de revues comme Podium et Absolu. Il a également eu une carrière de producteur avec son propre label, les Disques Flèche, produisant à son tour de nouveaux talents. Le 11 mars 1978, sa mort à Paris provoque un choc dans la France giscardienne. Il laisse une œuvre de plus de quatre cents chansons. Devenu, malgré sa courte carrière, une véritable icône populaire, son succès perdure aujourd’hui. Film— Cloclo, de Jérémie Renier en 2012 — ou chansons — reprises par M. Pokora en 2016 — attestent du même engouement pour cette star de la chanson française.

Claude François raconté par François-Xavier Demaison

Interview de François-Xavier Demaison

Manu Dibango (1933-2020)

Né à Douala en 1933 dans une famille protestante, Manu Dibango se familiarise avec la musique dès le plus jeune âge, notamment au temple où il chante dans la chorale. Venu en France en 1949, pour préparer le baccalauréat, il découvre le jazz et apprend le piano. Puis, il s’initie au saxophone avec Francis Bebey durant les colonies de vacances pour les jeunes Camerounais de France et forme bientôt un petit groupe qui joue dans les boîtes, les clubs privés et les orchestres. Le voilà embarqué en 1956 à Bruxelles et Anvers où il découvre les milieux congolais dans l’effervescence de l’accession à l’indépendance. Son jazz s’africanise et Joseph Kabasélé Tshamala, dit « Le Grand Kalle », père de la musique congolaise moderne, l’engage dans son orchestre au début des années 1960. Ils enregistrent alors plusieurs disques, notamment Indépendance Cha Cha, dont le succès est immense en Afrique.

En 1962, Manu Dibango lance son propre club à Léopoldville et y fait connaître le twist, avant d’ouvrir un autre club à Douala. Mais les affaires sont difficiles et il revient en France en 1967 pour lancer son propre big band. Il affirme son style afro-jazz urbain. À la suite de l’émission de télévision de Gesip Légitimus, il travaille avec Dick Rivers puis Nino Ferrer. Au détour des années 1970, l’album afro-jazz Saxy Party le met à nouveau dans la lumière. Mais c’est Soul Makossa, la face B d’un 45 tours, enregistré pour la coupe d’Afrique des Nations en 1972, qui lui ouvre les portes des États-Unis.

Les accents africains de son jazz enthousiasment les musiciens noirs d’Amérique et le tube fera le tour du monde, avant d’être repris par Mickael Jackson et, plus récemment, Rihana. Lunettes noires, crâne rasé, saxo en bouche… Ce sont les années 1990 qui le consacrent définitivement comme icône internationale de la world music, avec Wakafrika. Un album composé de reprises des plus grands tubes africains avec des figures musicales emblématiques : Salif Keïta, Papa Wemba, Angélique Kidjo, Youssou N’dour, King Sunny Adé, Peter Gabriel, Manu Katché… Manu Dibango aura joué avec les plus grands : Fela Kuti, Herbie Hancock, Ray Lema, ou encore Serge Gainsbourg. Et à 80 ans passés, il n’a pas encore raccroché son saxo. Inlassablement, il continue de partager sa musique avec le plus grand nombre.

Manu Dibango raconté par Jacob Desvarieux

Interview de Jacob Desvarieux

Slimane Azem (1918-1983)

Slimane Azem est né le 19 septembre 1918 dans un petit village en Grande Kabylie. Vivant dans un milieu modeste, fils d’un cultivateur, il se passionne à l’école pour les Fables de la Fontaine et les poèmes du XIXe siècle de Si Mohand. A l’âge de 11 ans, il devient employé agricole chez un colon puis, en 1937, il rejoint son frère Ouali en France près de la frontière luxembourgeoise. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé près de Bourges. Le soir, dans la caserne, il chante et joue pour ses camarades. Réformé, il part à Paris où il travaille comme électricien dans le métro de Paris. Il raconte cette nouvelle vie d’immigré dans sa première chanson A Muh a Muh. En 1942, Slimane Azem est déporté par les Allemands dans le cadre du service de travail obligatoire en Rhénanie où il y reste jusqu’à la Libération.

De retour à Paris, il prend la gérance d’un café et s’y produit régulièrement. Il enregistre quelques chansons et se fait connaître dans les années 1950. Grâce à l’unique disquaire qui vend des albums d’artistes maghrébins et orientaux, il rencontre la compagnie de disques Pathé Marconi. Il décide de rentrer en Algérie au moment où elle cherche son indépendance. Dans ce contexte, il écrit des chansons engagées et soutient le mouvement d’indépendance. Critiquant le nouveau régime en place qui le déçoit, une rumeur circule sur Slimane Azem. Il aurait collaboré avec l’armée française pendant la guerre. Il est alors contraint de s’exiler et de revenir en France. Il devient une légende pour les Kabyles de France et l’ensemble des travailleurs immigrés maghrébins. Dans son pays d’origine, ses chansons trouvent une résonance et ses disques s’arrachent sous le manteau car sa musique est interdite de 1967 à 1988.

En France, il revient à la musique en 1971. Avec la chanteuse Noura, il est le premier artiste maghrébin à obtenir un disque d’or en France. Il devient même sociétaire de la Sacem. Fort de ce succès, il se lance avec le fameux Cheikh Noredine dans des duos comiques. Ils réalisent plusieurs chansons comme Hommage aux parents, Dites-moi mes amis ou encore Carte de résidence. Cette dernière dénonce les conditions difficiles d’obtention des papiers. Ce titre a été repris de nombreuses fois, notamment par Zebda. Pour ses dernières années de vie, il achète une ferme à Moissac où il meurt le 28 janvier 1983.

Slimane Azem raconté par Nagui

Interview de Nagui

Henri Verneuil (1920-2002)

De son vrai nom Achod Malakian, Henri Verneuil est né le 15 octobre 1920, à Rodosto, en Turquie. Exilé en France, fuyant le génocide arménien, il se retrouve avec sa famille à Marseille, en 1924. Cette histoire douloureuse, il la racontera d’ailleurs, à la fin de sa carrière, dans Mayrig(1991) et 588, rue Paradis (1992). Ayant quitté Marseille pour Paris, Henri Verneuil y rencontre, au début des années 1950, Fernandel, qui accepte de tourner avec lui, lançant ainsi sa carrière de réalisateur. De cette longue collaboration, essentielle pour Henri Verneuil à ses débuts, naîtront plusieurs films, de La Table aux crevés (1951) à La Vache et le Prisonnier (1959) — l’un des plus grands succès du cinéma populaire français avec plus de huit millions huit cent mille entrées au box-office — en passant par L’Ennemi public numéro un (1953) et Le Mouton à cinq pattes (1954).

La carrière d’Henri Verneuil se poursuit, dans les années 1960, grâce à une autre rencontre décisive : celle de Jean Gabin. Il partagera avec lui cinq films, Des gens sans importance (1956), Le Président (1961), Mélodie en sous-sol (1963), Le Clan des Siciliens (1969) et le cultissime Un singe en hiver sorti sur les écrans français en 1963. Avec Jean-Paul Belmondo, comme avec Fernandel, Henri Verneuil tournera sept films : Week-end à Zuydcoote (1964), Un singe en hiver (1963), Le Casse (1971) et bien sûr, en 1964, Cent mille dollars au soleil qui lui ouvre la porte des États-Unis. Il travaille alors avec des grands acteurs américains tels Henry Fonda, Anthony Quinn et Charles Bronson dans les films comme La vingt-cinquième heure (1966), La Bataille de San Sebastian (1967) et Le Serpent (1973).

Commence alors la dernière partie de la carrière d’Henri Verneuil. En 1974, il reprend sa collaboration avec Jean-Paul Belmondo avec Peur sur la Ville (1975), Le Corps de mon ennemi(1976) et Les Morfalous (1984). Entre temps, Henri Verneuil aura aussi tourné deux autres films : I… comme Icare, en 1979, avec Yves Montand, et Mille milliards de dollars, en 1982, avec Patrick Dewaere. Le plus « américain des réalisateurs français », reçoit ensuite, en 1996, un César d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Lorsqu’il meurt en 2002, l’œuvre d’Henri Verneuil a intégré le patrimoine cinématographique français qui lui doit certains de ses plus grands chefs-d’œuvre.

Henri Verneuil raconté par Michel Drucker

Interview de Michel Drucker

NTM (fondé en 1989)

NTM (Nique Ta Mère), aussi nommé Suprême NTM, est un groupe de hip-hop et rap composé principalement de JoeyStarr, originaire de la Martinique, et de Kool Shen, originaire du Portugal. Les deux rappeurs commencent par le breakdance après avoir été inspirés par des danseurs de hip-hop américains venus faire une prestation sur la place du Trocadéro. Ils poursuivent par le graffiti au sein du collectif appelé NTM qui s’associera avec les 93 M.C donnant ainsi 93 NTM. Alors qu’ils découvrent le groupe Assassin, ils décident de se lancer dans le rap. Ils se produisent à partir de 1989 sur Radio Nova ainsi que dans le concert du 26 mars 1989 à l’Élysée Montmartre. Ils feront ensuite la première partie du groupe Zebda en 1990.

Cette même année, leur titre Je rap apparaît dans la première compilation de rap français. Petit à petit, le rap s’ancre dans la logique des majors et le groupe NTM est repéré. Sur l’invitation de la chanteuse punk, Nina Hagen, ils sont invités sur scène en 1990 sur l’émission Mon Zénith à moi sur Canal+. La major Epic les signe et leur premier maxi est vendu à 50.000 exemplaires. Dans l’album Le Monde de demain,  uatre titres font écho à l’actualité du moment avec les affrontements entre policiers et jeunes des banlieues de Lyon ou encore des manifestations de lycéens à Paris. Forts de ce succès, ils sortent, un an plus tard, leur premier album Authentik. C’est un carton, il se vend à plus de 90.000 exemplaires. Ils tournent alors dans toute la France avant de terminer au Zénith de Paris le 24 janvier 1992. Un an plus tard, ils sortent 1993… J’appuie sur la gâchette mais il ne marche pas aussi bien que les précédents albums.

NTM poursuit son ascension et, en 1995, ils sortent Paris sous les bombes qui marque la séparation avec le DJ historique du groupe. On les retrouve cette même année de nouveau au Zénith de Paris. L’année 1998, c’est l’apothéose avec l’album Suprême NTM d’où sont extraits Laisse pas traîner son fils, Seine-Saint-Denis Style ou encore Ma Benz. Le concert du 18 décembre 1998 est le dernier du groupe. Alain Chabat réalisera un film sur le groupe en 2000, Authentiques, un an avec le Suprême. En 2001, la séparation est officielle. Les deux rappeurs se consacrent à leur carrière solo et c’est le 7 mars 2008 qu’ils annoncent officiellement la refonte du groupe. Une tournée en France s’organise alors avec neuf dates. En 2010, NTM remplit le Parc des Princes. C’est encore et toujours le plus mythique des groupes de rap français.

NTM raconté par Kery James

Édith Piaf (1915-1963)

Édith Giovanna Gassion, dite « Édith Piaf », voit le jour à Paris, le 19 décembre 1915. Ses parents sont tous les deux artistes. De cette famille et d’une mère aux origines italo-marocaines, Édith Piaf est imprégnée par le sirop de la rue et le goût de l’ailleurs. En 1930, Édith quitte son père et chante dans la rue, les casernes et les bars à putes avec Simone Berteaut, dite « Momone ». À l’automne 1935, Louis Leplée la rencontre et l’engage dans son cabaret. Elle devient alors la « môme Piaf ». En 1936, Jacques Canetti la prend sous son aile et enregistre son premier album Les mômes de la cloche. Remarquée par Raymond Asso et Marguerite Monnot, elle se transforme, avec leur aide, en chanteuse professionnelle de music-hall. Elle décroche alors, en 1936, la scène de l’Alhambra puis un an plus tard, elle retourne à Bobino.

Sous l’occupation allemande, elle poursuit sa carrière en se rendant notamment à Berlin en 1943 et au printemps 1944, se produit au Moulin Rouge où Yves Montand fait sa première partie. À la Libération, elle propose plusieurs récitals au cabaret Le Club des Cinq et écrit son célèbre titre La Vie en rose qu’elle enregistre seulement en 1946. Elle rencontre aussi Les Compagnons de la chanson et enregistre avec eux Les Trois Cloches de Jean Villard. Puis les tournées en Europe du Nord se multiplient et se poursuivent à New York où la grande histoire d’amour avec Marcel Cerdan commence. Elle compose, en 1948, L’Hymne à l’amour qu’elle chantera après le crash de l’avion de Marcel Cerdan, survenu le 28 octobre 1949.

Charles Aznavour devient son homme à tout faire et il lui écrit plusieurs chansons comme Plus bleu que tes yeux et Jezebel. Malgré ses problèmes de santé et d’addictions, elle continue sa carrière et enregistre Milord en 1959, titre récompensé pendant l’émission de télévision TW Award. Mais, épuisée, elle s’effondre sur scène durant sa tournée à New York. En 1961, elle donne à L’Olympia à Paris, menacé de disparaître, une série de concerts qui restent à jamais les plus émouvants de sa carrière. Elle y interprète notamment Non, je ne regrette rien. Deux ans plus tard, elle enregistre L’Homme de Berlin qui sera sa dernière chanson. Édith Piaf disparaît le 10 octobre 1963. Elle repose aujourd’hui au cimetière du Père-Lachaise aux côtés de son père, de son second mari et sa fille Marcelle.

Édith Piaf racontée par Sabrina Ouazani

Interview de Sabrina Ouazani

Sacha Distel (1933-2004)

De ses origines russes, Sacha Distel a notamment gardé son prénom et un goût prononcé pour « l’âme slave ». Son père, Loyina (Léonide) Distel est en effet né à Odessa à la fin du XIXe siècle. Emporté par la révolution bolchévique, son père, un « Russe blanc », émigre à Paris où il rencontre sa future femme, Andrée Ventura, sœur de Ray Ventura. Celle-ci, de confession juive, est arrêtée à Paris en 1942. Sauvé in extremis, baptisé dans la foulée, et caché au collège de l’Immaculée Conception de Laval, Sacha Distel ne retrouvera sa mère qu’à la Libération. Pianiste de son état, sa mère l’initie très tôt au jazz.

Tombé dans la marmite, le « Jazzman » Sacha Distel se construit par étapes en se nourrissant de diverses influences. Grâce à Ray Ventura, il s’initie au « be-bop », pendant un concert de Dizzy Gillespie à L’Alhambra en hiver 1948. En 1952, toujours grâce à Ray Ventura, il se retrouve à New York où il fréquente assidûment les boîtes de jazz de Manhattan. Revenu à Paris, il joue dans les caves de Saint-Germain-des-Prés et devient l’accompagnateur de Juliette Gréco. Mais Sacha Distel ne veut pas être seulement musicien. S’inspirant de l’exemple de Frank Sinatra, son idole, il aspire aussi à chanter. Ce sera chose faite, en 1959, quand sa carrière de chanteur est lancée grâce au tube Scoubidoubidou.

Entre 1960 et 1980, Sacha Distel, devenu un chanteur international, collectionne les succès en français et en anglais. Certains d’entre eux, comme La belle vie, chanson dont la musique est composée par lui en 1963, notamment repris par Tony Bennett et Frank Sinatra, sous le titre The good life, deviennent de véritables standards mondiaux. En 2003, sort son dernier album, En vers et contre vous. L’année suivante, Sacha Distel, malade, disparaît. Il reste cependant l’un des plus grands artistes de sa génération et l’un des rares jazzmen français à connaître une renommée internationale.

Sacha Distel raconté par Dave

Interview de Dave

Coluche (1944-1986)

Michel Colucci est né le 28 octobre 1944, à Paris, d’un père originaire du nord de l’Italie. Après des courtes études et plusieurs apprentissages, il chante dans les cabarets et se fait appeler Coluche. Puis il apprend la comédie au Café de la Gare, en 1970, sous la direction de Romain Bouteille en compagnie de Miou-Miou et de Patrick Dewaere. Claude Berri lui propose un premier rôle dans Le Pistonné. Il enchaîne les apparitions dans des films, des téléfilms ou des publicités. Il fonde la troupe Le Vrai Chic Parisien, puis fait cavalier seul.

En 1974, il monte son premier one-man showMes adieux au music-hall, où on le découvre en salopette. Un personnage est né. Adulé des Français, il se lance dans une tournée. Ses spectacles se jouent à guichets fermés. Il passe souvent à la télévision, additionne les films et sort Le Schmilblick (plus d’un million de 45 tours vendus). Dans ce sketch, Coluche parodie le jeu télévisé, avec la participation de Martin Lamotte (voix) pour Guy Lux et Christine Dejoux figurant Simone Garnier. Coluche interprète plusieurs candidats qui forment une succession de personnages pittoresques dont l’incontournable « Papy Mougeot ». En 1977, il réalise le film Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, dans lequel il campe le rôle principal du roi Gros Pif. L’année suivante, il anime l’émission On n’est pas là pour se faire engueuler sur Europe 1. Il rejoint à nouveau Claude Zidi, entouré de Gérard Depardieu et de Dominique Lavanant dans Inspecteur La Bavure, où il tient le premier rôle.

Fin octobre 1980, il annonce sa future candidature « bleu, blanc, merde » aux élections présidentielles ; soutenu par le journal Hara-kiri, il défraye la chronique et la classe politique s’inquiète. Les portes des médias se ferment devant lui et il finit par se retirer de la course. Il enchaîne les tournages, jusqu’à l’émouvant Tchao Pantin, qui lui vaut le César du meilleur acteur en 1984. Engagé contre la discrimination, il soutient SOS-Racisme. Son mariage avec Thierry Le Luron « pour le meilleur et pour le rire » fait la Une, juste avant sa période Canal+ et son émission Coluche-1-Faux. Contre la précarité, il lance l’idée des Restaurants du Cœur et récolte des millions de francs pour l’association. En juin 1986, il meurt prématurément dans un accident de moto, la France est en deuil.

Coluche raconté par Joey Starr

Interview de Joey Starr

Matthieu Chedid (né en 1971)

Petit-fils de la poétesse libanaise Andrée Chedid et fils du chanteur français Louis Chedid, Matthieu naît à Boulogne-Billancourt, le 21 décembre 1971. Évoluant dans un environnement musical, il se produit dans les chœurs, à l’âge de 6 ans, sur l’un des premiers tubes de son père.

Multi-instrumentiste, il a une prédilection pour la guitare électrique et sa carrière de musicien débute auprès d’artistes comme Sinclair, NTM, Vanessa Paradis et, bien sûr, de son père. En 1997, il sort son premier album Le Baptême. Le fantaisiste « M » est né avec sa voix haut perché et ses compositions funky. Il fait d’importantes premières parties, comme pour le groupe Texas, et reçoit aux Francofolies de La Rochelle, en 1998, première consécration, le Prix Félix Leclerc. Il commence à écrire pour Vanessa Paradis. L’année suivante, son disque Je dis Aime est un succès, qui lui vaut aux Victoires de la Musique le prix du meilleur interprète masculin et celui du meilleur concert. Les tournées, qui s’enchaînent, sont couronnées par un double live en 2001 Le Tour de M, suivi par l’album instrumental Labo -M-. Puis il compose avec bonheur des génériques pour le cinéma, dont Les Triplettes de Belleville, avant de proposer, en 2003, un nouvel album Qui de nous deux ? Durant les deux années suivantes, il se produit à guichets fermés en France et à l’étranger. À Paris il remplit le Palais omnisports de Bercy. Insatiable, il multiplie les collaborations, avec Brigitte Fontaine et son père pour le conte musical Le Soldat Rose, mais aussi avec Sean Lennon ou Vanessa Paradis, dont il assumera la production de l’album Divinidylle, sorti en 2007. Deux ans plus tard sort Mister Mystère, œuvre totale enrichie d’un DVD et d’un carnet. En 2010, il compose pour Johnny Hallyday puis travaille sur le nouvel album de son père.

Innombrables projets et divers prix se suivent : apparition au cinéma, concerts, bande originale de film, nouveau disque Îl et nouvelles tournées, hommage aux journalistes de Charlie Hebdo, livre-disque, collaboration familiale avec Louis, Joseph et Anna Chedid qui leur offre une nomination aux Victoires de la Musique en 2016… « M » est devenu un personnage unique dans l’univers musical français.

Matthieu Chedid raconté par Victoria Bedos

Joe Dassin (1938-1980)

Fils du grand réalisateur de cinéma, Jules Dassin, et d’une violoniste, Béatrice Launer, les talents artistiques de Joe Dassin s’épanouissent, très jeune, dans cette famille où le cinéma et la musique font bon ménage. Né à New York le 5 novembre 1938, Joe Dassin s’essaye dès son plus jeune âge au piano et à la guitare. Installée aux États-Unis, dans les années 1940, la famille est cependant obligée de fuir le pays alors en pleine paranoïa maccarthyste. Exilé, avec le reste de la tribu Dassin, Joe passera donc sa jeunesse dans divers pays européens, la Suisse, l’Italie, la France, avant de retourner outre-Atlantique pour y faire ses études supérieures.

C’est pourtant en France, où il est revenu et où il travaille notamment avec son père au début des années 1960, que commence sa carrière de chanteur. Démarrée en douceur en 1964, celle-ci décolle avec son premier succès, Les Dalton, en 1967. À partir de cette date, Joe Dassin, qui est devenu « l’homme au costume blanc », enchaîne les tubes : La Bande à Bonnot, Siffler sur la colline et Ma bonne étoile en 1968 ; Les Champs-Élysées — succès international — en 1969 ; L’Amérique — devenue sa chanson de référence — et Cécilia, en 1970 ; Si tu t’appelles mélancolie, en 1974… En 1975, Joe Dassin sort ce qui reste, encore aujourd’hui, le plus gros succès commercial et public de sa carrière L’Été indien. Cette chanson en fera incontestablement une star française et internationale.

Suivront cinq années « en dents de scie », notamment en France, ponctuées cependant encore de beaux succès à l’image de son album, Le jardin du Luxembourg, sorti fin 1976, avec ses singles Et l’amour s’en va (1976) et Le Dernier Slow (1979). Fragile du cœur, Joe Dassin meurt d’un infarctus, le 20 août 1980, à l’âge de 41 ans. En 16 ans de carrière (1964-1980), celui qui a vendu plus de cinquante millions de disques dans le monde s’est imposé comme un monument de la variété française et mondiale.

Joe Dassin raconté par Olivier Sitruck

La Compagnie créole (créée en 1975)

C’est au milieu des années 1970 que Clémence Bringtown au chant, José Sébéloué et Arthur Apatout à la guitare, Guy Bevert à la batterie, et Julien Tarquin à la basse forment le groupe La Compagnie créole. Originaires des Caraïbes, de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe, leur répertoire mélange les rythmes de ces îles, du zouk au reggae, de la soca à la biguine. Ils se font connaître dans les îles et sortent, en 1982, un premier album Blogodo qui rencontre un grand succès.

L’année suivante, ils conquièrent l’Hexagone avec Vive le Douanier Rousseau et C’est bon pour le moral. Avec eux, la bonne humeur festive des rythmes créoles envahit les années 1980. Les tubes à la tête des hit-parades, les plateaux télé, les concerts, les festivals, les passages à L’Olympia, les disques d’or et de platine s’enchaînent pour eux, avec des titres comme Bons baisers de Fort de France, Ça fait rire les oiseaux, Ma première biguine partie ou Le 14 juillet. En 1985, Le bal masqué se retrouve à la sixième place du top des ventes, un véritable triomphe. Les années 1990 sont l’occasion de nouveaux projets : José Sébéloué et Clémence Bringtown sortent un album en duo. Cette dernière édite en solo, quelque temps plus tard, une reprise des Rois mages de Sheila.

En 2005, c’est le grand retour avec le disque La Plus Grande Fiesta Créole avant le succès de Megamix 2007. En 2008, il célèbre l’arrivée du premier président noir des États-Unis avec la chanson O ! Oh ! Obama. En 2009 et 2010, ils participent à la quatrième édition de la tournée française d’Âge tendre et tête de bois, aux côtés de Sheila, Marcel Amont, Bobby Solo ou Fabienne Thibeault. En 2012, La Compagnie créole se lance dans des duos avec Hugues Aufray, Colonel Reyel ou Patrick Sébastien dans En Bonne Compagnie, qui se classe parmi les meilleures ventes françaises. En 2015, La Compagnie créole est toujours prête à faire danser les foules avec l’album Carnavals du Monde.

La Compagnie créole racontée par Alain Mabanckou

Man Ray (1890-1976)

Emmanuel Radnitzky naît le 20 août 1890 à Philadelphie en Pennsylvanie, aux États-Unis. Sa famille s’installe à New York. Renonçant à l’architecture, il se lance dans le dessin et fréquente, dans les années 1910, les artistes d’avant-garde à New York. Il fait la rencontre déterminante de Marcel Duchamp et fonde avec lui la branche américaine dadaïste en 1915. Toujours avec Marcel Duchamp et Katherine S. Dreier, il fonde, en 1920, la Société Anonyme, première organisation aux États-Unis ayant pour but de collectionner et d’exposer l’art moderne. Il débarque en 1921 à Paris et présente ses premiers « Ready-made ». Puis il se consacre à la photographie. Il rencontre Jean Cocteau, Kiki de Montparnasse et les dadaïstes. Il réalise sa première exposition personnelle.

L’année suivante, il commence ses expériences de rayographie. En parallèle, il se consacre à la photographie de mode. La revue Littérature publie en 1924 Le Violon d’Ingres, photographie avec Kiki de Montparnasse nue, dont le dos arbore les ouïes d’un violon. En 1925, il participe à la première exposition surréaliste dans la Galerie Pierre à Paris, avec Jean Arp, Giorgio de Chirico, Max Ernst, André Masson, Joan Miró et Pablo Picasso. En 1928, il rencontre Lee Miller avec qui il découvre la solarisation (technique pour donner une sorte d’aura autour du personnage), et tourne, après L’Étoile de mer, son quatrième film, Mystère du Château de Dés. En 1934, James Thrall Soby publie Photographs by Man Ray. Il poursuit ses collaborations avec les surréalistes, se consacrant parfois à la peinture.

Il s’exile à New York en 1940, puis s’installe à Hollywood, son activité photographique est alors en berne. En 1951, il retourne définitivement à Paris et fait des expériences de photographies en couleur. Il participe à de très nombreuses expositions, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, et publie de nombreux ouvrages. En 1966, sa première grande rétrospective se tient à Los Angeles, au County Museum of Art, d’autres suivront dans les années à venir. Man Ray meurt à Paris le 18 novembre 1976. Sur sa tombe au cimetière du Montparnasse, on peut lire : Unconcerned, but not indifferent (« Détaché, mais pas indifférent »).

Man Ray raconté par Yann Arthus-Bertrand

Omar Sy (né en 1978)

De parents originaires du Sénégal et de Mauritanie, Omar Sy est né le 20 janvier 1978 à Trappes, dans les Yvelines. Introduit à Radio Nova par Jamel Debbouze, il commence sa carrière d’humoriste comme animateur avec son partenaire Fred Testot. En compagnie de ces deux derniers, il est engagé par la chaîne privée Canal+ et participe au Cinéma de Jamel puis monte Le Visiophon.

On le découvre sur le grand écran en 1997 avec une première apparition dans Glastonbury, the movie, puis en 2000 dans La Tour Montparnasse infernale et, deux ans plus tard, il est dirigé pour la première fois par Olivier Nakache et Éric Toledano, dans le court métrage Ces jours heureux. On le retrouve ensuite dans La Beuze, avec Michael Youn. En 2005, il connaît un grand succès aux côté de Fred Testot avec l’émission Service après Ventes des Émissions sur Canal+On les entend aussi sur la chaîne Fun Radio, tandis qu’ils donnent plusieurs spectacles. Omar Sy enchaîne les tournages : Seuls Two, puis pour la seule année 2009 dans Envoyés très spéciaux avec Gérard Jugnot et Gérard Lanvin, Tellement proches, Micmacs à tire-larigot de Jean-Pierre Jeunet et Les Lascars… Désormais, il fait partie de la grande famille du cinéma français. Il produit avec Fred Testot le téléfilm Le Pas Petit Poucet en 2010. L’année suivante, il rejoint Éric Tolédano et Olivier Nakache pour la comédie Intouchables, en duo avec François Cluzet. Le succès est immense et il devient, l’année suivante, la « personnalité préférée des Français ». Il remporte alors le César du meilleur acteur. Il poursuit ses rôles dans des films de qualité, comme De l’autre côté du périph’ d’Éric Charhon ou L’Écume des jours de Michel Gondry.

Hollywood lui tend les bras et il part pour Los Angeles. Il est vite à l’affiche de plusieurs films : X-Men. Days of future pastainsi que Good People d’Henrik Ruben Genz en 2014 et Jurassic World l’année suivante. Il ne déserte pas pour autant le cinéma français puisqu’on le découvre dans Samba (2014) avec Charlotte Gainsbourg, puis dans l’émouvant Chocolat de Roschdy Zem (2016) et dans Demain tout commence fin 2016. Omar Sy est aujourd’hui l’un des plus éminents représentants de la culture française aux quatre coins du monde !

Omar Sy raconté par Raphaël Glucksmann

Robert Hossein (1927-2020)

Robert Hossein, né Robert Hosseinhoff, voit le jour à Paris, le 30 décembre 1927. Son père est un compositeur perso-azerbaïdjanais, sa mère est une comédienne russe. Dans cet univers de bohème désargenté, le jeune garçon est tout naturellement attiré par la scène et s’inscrit sans tarder au cours Simon.

Sur les trottoirs de Saint-Germain, du Club du Vieux Colombier ou encore de la rue Saint-Benoît, le jeune comédien rencontre le tumultueux Paris des années 1940 où se croisent Jean Genêt, Danielle Darrieux, Roger Vailland, Boris Vian ou encore Blanchette Brunoy. Par-dessus-tout, c’est Jean Paul Sartre qui marquera Robert Hossein. Il a tout juste 17 ans quand Huis Clos est présenté pour la première fois en 1944. Après avoir joué dans cette pièce, il la mettra en scène en 2000 lorsqu’il reprendra le théâtre Marigny.

En 1948, le jeune garçon obtient un petit rôle dans le film de Sacha Guitry, Le diable boiteux ; puis, sa carrière s’accélère avec Du rififi chez les hommes de Jules Dassin en 1955 jusqu’à la gloire d’Angélique réalisé par Bernard Borderie entre 1964 et 1968. Il devient notamment l’un des acteurs favoris de son ami réalisateur d’origine russe lui aussi, Roger Vadim. Alors qu’il travaille avec les grands de ce monde, tels Yves Allégret ou encore Christian Jaque, Robert Hossein ne cessera jamais de chérir le théâtre. Il déploie d’ailleurs sa fougue à la mise en scène de pièces allant de l’Homme traqué (1954) d’après le roman de Francis Carco à ces grands spectacles populaires et souvent interactifs qui ont rempli le Palais des Sports de Paris.

Définitivement homme de la scène, Robert Hossein prend ensuite la direction du Théâtre populaire de Reims en 1970 où Isabelle Adjani, encore inconnue du grand publique en 1972, y jouera La Maison de Bernarda Alba de Frederico García Lorca. En 1980, il s’essaie à la comédie musicale avec Les Misérables ; c’est un triomphe. Installé au Palais des Sports, au Théâtre de Paris puis, jusqu’en 2008, au théâtre Marigny, Robert Hossein marque le paysage du théâtre contemporain par son éclectisme et son énergie créatrice à l’image de ces deux dernières pièces : l’Affaire Dominici (2009) et l’Affaire Seznec l’année suivante.

Robert Hossein raconté par François Busnel

Laurent Voulzy (né en 1948)

Né à Paris, dans une famille guadeloupéenne, Lucien Voulzy voit le jour le 18 décembre 1948. Elevé dans la tradition antillaise, Laurent Voulzy y tire un goût prononcé pour la musique antillaise et afro-cubaine qu’il mâtinera, en grand admirateur des Beatles qu’il est alors, de pop anglaise. La carrière de Laurent Voulzy, commencée, en 1967, avec la chanson Timide, ne démarre vraiment, cependant, qu’à partir de 1974, date de sa rencontre avec Alain Souchon. Laurent Voulzy commence d’abord à se faire connaître en composant, pour lui, les mélodies de Bidon et de J’ai dix ans.

Le premier grand succès du chanteur Laurent Voulzy arrive en 1977 avec Rockollection, une chanson sur/et avec les tubes anglo-saxons qui ont bercé sa jeunesse— titre auquel il rendra d’ailleurs lui-même hommage, démontrant ainsi son importance dans son parcours, en 2008, avec son album Recollection. À partir de cette année, Laurent Voulzy accumule donc les titres phares : Cœur Grenadine en 1979, Désir, Désir en 1984, Les Nuits sans Kim Wilde en 1986, Le Soleil donne en 1988. Et surtout Belle-île-en-Mer, en 1985, dont le succès public et professionnel dépasse toutes ses espérances. En 1990, Belle-île-en-Mer est en effet élue, lors des victoires de la musique, meilleure chanson des années 1980 et quatorzième chanson du siècle.

Laurent Voulzy aime prendre son temps et soigner ses textes et ses mélodies… On comprend, dès lors, qu’il se fasse rare, privilégiant la qualité sur la quantité, et ne produisant que quatre albums originaux entre 1983 et 2011, Bopper en larmes (1983), Caché derrière (1992), Avril (2001) et Lys & Love (2011). Laurent Voulzy a aussi sorti, en 2006, un album de reprises, intitulé La Septième Vague, où il réinterprète de grands standards de la chanson française et mondiale comme La Bicyclette d’Yves Montand ou bien Light My Fire des Doors. En 2014, Alain Souchon et Laurent Voulzy, célébrant ainsi leurs 40 ans de collaboration et d’amitié, donnent naissance à leur premier album commun, Alain Souchon & Laurent Voulzy. Une collaboration qui avait permis, en 1974, à Laurent Voulzy de percer dans le monde de la chanson française, où il occupe depuis lors, seul ou avec Alain Souchon, une place incomparable avant de monter ensemble sur scène en 2016.

Laurent Voulzy raconté par Stéphane Bern

Kassav’ (créé en 1979)

En 1979, le Guadeloupéen Pierre Edouard Décimus s’associe avec son frère Georges, Jacob Desvarieux et Freddy Marshall pour créer Kassav’. Ces musiciens encore amateurs appréhendent leur groupe comme un « laboratoire » musical. Influencé par le réveil identitaire antillais, Kassav’ veut concevoir une musique antillaise nouvelle mais authentique, ne cédant pas aux sirènes de la world music. Ils modernisent alors le répertoire populaire local, trop ancré dans le folklore, en mariant au rythme de base du tambour gwoka des couleurs ethniques — calypso, kompa, salsa, biguine, merengue, makossa… — et des influences RnB, reggae, africaine, soul et jazz.

En 1979, leur premier album, Love and Ka Dance, se distingue par l’exigence de sa composition ainsi qu’un chant en créole, identitaire et frondeur. Au-delà de cette marque militante, il signe l’avènement du zouk. Cette expression désignait, à l’origine, les bals et les soirées dansantes. Cinq ans plus tard, l’album Yélélé, avec le titre Zouk la sé sèl médikaman nou ni, finit d’introniser le zouk. Kassav’ joue pour la première fois en France en 1985. Déjà adopté via es 33 tours par la communauté antillaise de l’Hexagone, il réunit des milliers spectateurs au Zénith. La presse parle de révolution musicale. L’année suivante, le tube Kolé Séré de la chanteuse Jocelyne Béroard (membre de Kassav’ depuis 1980), assoit la popularité du groupe, tête d’affiche du premier carnaval antillais de Paris.

Son succès est alors grandissant, en France, aux Antilles et dans le monde, à l’instar des deux concerts en 1987 à Luanda avec 90.000 Angolais et à Baillif avec 70.000 Guadeloupéens. Au tournant des années 1980-1990 avec, à leur actif, 15 albums collectifs et 30 albums en solo de ses membres, Kassav’ devient un ambassadeur des Antilles et un groupe d’audience internationale avec des concerts sur les continents américain, africain et européen. Depuis, au rythme des sorties de disques et de nombreux concerts, son influence inspire de nouvelles voies musicales dans le monde entier, à l’image de l’Angola où le kizomba est un héritier direct du zouk.

Kassav’ raconté par Rost

Jane Birkin (née en 1946)

Jane Birkin est née le 14 décembre 1946. Elle a grandi en Angleterre avec ses parents, Judy Campbell, actrice, et David Birkin, commandant dans la Royal Navy, son frère aîné et sa sœur cadette. C’est d’abord avec le cinéma qu’elle fait ses premières armes. Elle apparaît dans The Knack… and How to Get It de Richard Lester en 1964, film portant sur la mode du swing in London. Mais c’est avec Blow Up de Michelangelo Antonioni, en 1966, qui obtiendra la Palme d’or au festival de Cannes, qu’elle est réellement remarquée.

Elle quitte alors l’Angleterre pour la France. Là, elle rencontre le monde artistique parisien et débute comme mannequin. Elle est alors icônisée par l’objectif du photographe de mode Jeanloup Sieff. Jane Birkin continue sa carrière d’actrice et c’est au cours du tournage de Slogande Pierre Grimblat qu’elle rencontre Serge Gainsbourg, en 1969. Outre le cinéma, où elle joue entre autres pour Roger Vadim, Michel Deville ou Claude Zidi, elle commence à chanter les textes de Serge Gainsbourg. Le duo qu’elle enregistre avec lui en 1969, Je t’aime… moi non plus, initialement écrit pour et enregistré avec Brigitte Bardot, est un succès retentissant. Ce n’est pas moins de sept albums qui sortiront ensuite et parmi les titres les plus connus des années 1970 : Melody Nelson en 1971, La Décadanse en 1973, Ex-fan des Sixties en 1978… La reconnaissance est au rendez-vous avec plusieurs disques d’or dont Baby Alone in Babylone en 1983, Arabesque en 2002 Durant les années 1970-1980, Jane Birkin enchaîne alors les albums studio et les prestations télévisées, notamment dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier.

En 1987, une nouvelle phase de sa carrière commence car, pour la première fois, elle se produit sur une scène, au Bataclan. De multiples spectacles et tournées suivront jusqu’à aujourd’hui. En 1991, la mort de Serge Gainsbourg marque une rupture importante dans sa vie. Malgré leur séparation, ils avaient continué à travailler ensemble… Jane Birkin se consacre alors à faire vivre l’œuvre qu’ils avaient créé en chantant sur scène ses chansons : elle devient l’ambassadrice de ses chansons et s’inscrit comme l’égérie des années seventies.

Jane Birkin racontée par Olivia Ruiz

Jacques Brel (1929-1978)

Issu d’une famille d’industriels, Jacques Brel est né le 8 avril 1929 en Belgique. À l’école, il ne se passionne que pour ses cours de français qui lui serviront à l’écriture de poèmes et à la création d’une troupe de théâtre. Devenu adulte, son père lui trouve une place comme ouvrier, mais lui ne souhaite qu’une chose : devenir chanteur. Malgré la désapprobation de ses parents, il propose même ses propres compositions lors de ses premiers concerts.

Ne rencontrant pas le succès en Belgique, il débarque à Paris, en 1955, pour tenter sa chance. Il enchaîne les concerts et se fait remarquer. Il fait alors la connaissance de Juliette Greco et d’autres grandes figures de la musique parisienne. En 1956, Jacques Brel enregistre son premier succès, Quand on n’a que l’amour : une consécration qui lui ouvre les portes de sa carrière musicale. Fidèles à ses musiciens, il compose la plupart de ses titres avec son pianiste François Rauber. Après les années de « galérien des galas », il rencontre enfin son public. À Bobino, en 1959, il chante pour la première fois Ne me quitte pas et La Valse à mille temps. Les titres phares suivent avec Les Bourgeois et Madeleine en 1962, Les Vieux et La Fanette en 1963, Amsterdamen 1964, Ces gens-là en 1965… Malgré la richesse de ses textes, il refuse d’être considéré comme poète et se revendique chansonnier. L’humilité et l’énergie qu’il déploie lors de ses concerts contribuent à la fidélité du public.

Pourtant, en 1966, il fait ses adieux à la scène après un incident. Alors qu’il se produit en concert, il double un couplet dans la chanson Les Vieux. En grand perfectionniste, Jacques Brel refuse de tricher et décide d’arrêter ses prestations scéniques. Homme de parole, il continuera cependant d’honorer ses contrats jusqu’en 1967. Il poursuit néanmoins l’écriture de chansons, notamment Vesoul en 1968. Il s’essaie au théâtre en mettant en scène L’Homme de la Manchacette même année. C’est aussi l’occasion d’une carrière au cinéma, avec notamment un rôle dans le film de Claude Lelouch L’aventure c’est l’aventure en 1972. Au cours de ce tournage, il rencontre celle avec qui il passera ses dernières années sur les îles Marquises. Son dernier album, en 1976, porte leur nom : c’est un grand succès. À sa mort, le 9 octobre 1978, Georges Brassens le considère comme « l’homme le plus important qui soit pour la chanson française ».

Jacques Brel raconté par Clément Sibony

Guy Béart (1930-2015)

Guy Béart, de son vrai nom Béhar, est né au Caire en 1930. Durant sa jeunesse, il voyage dans de nombreux pays grâce au métier de son père, mais c’est à Paris qu’il s’installe en 1947. Il va alors suivre les cours de l’École nationale de musique, tout en intégrant l’École nationale des ponts et chaussées. Mais très vite, la chanson prend le pas sur l’ingénierie. Il réalise alors son premier disque, épaulé par Boris Vian, après avoir écumé les cabarets de la Rive gauche (La Colombe ou Les Trois Baudets) et écrit pour Patachou et Juliette Gréco. Ce premier opus est couronné en 1958 par l’Académie du disque français, ce qui lui ouvre les portes de L’Olympia.

En 1960, sa chanson L’Eau vive, écrite pour le film éponyme, connaît un éclatant succès populaire. D’autres marqueront particulièrement son répertoire, comme Qu’on est bien, Les grands principes, Le grand chambardement ou La vérité. Délaissé par les maisons de disques qui se tournent désormais vers les Yéyés, il monte en 1963 son propre label. En parallèle, les Français le retrouvent comme animateur de l’émission télévisée Bienvenue chez Guy Béart. Un plateau qui, durant de nombreuses années, va recevoir les plus grandes stars du monde du spectacle tels Paul Simon et Arthur Garfunkel, Duke Ellington, Yves Montand et bien d’autres… Mais Guy Béart n’oublie pas ses premiers amours, la chanson. Il sort de nombreux disques, passant de la chanson traditionnelle française (comme Vive la rose en 1966) à des textes pour les plus jeunes. En 1967, il réalise Chansons d’avant-hier et d’après-demain, spectacle à la Comédie des Champs-Élysées. Tout aussi prolixe dans les années 1970 et 1980 malgré de sérieux problèmes de santé. Il se consacre aussi à la littérature avec L’Espérance folle, qui obtient le Prix Balzac en 1987.

Dans les années 1990, il présente de nouveaux albums, reçoit le Grand Prix de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre et remonte sur la scène de l’Olympia, en 1996, et à Bobino, trois ans plus tard. Après une longue absence, Guy Béart sort un nouvel album Le meilleur des mondes en 2010. Cinq ans plus tard, il offre un dernier concert à l’Olympia, avec Julien Clerc et sa fille Emmanuelle Béart, qui chantent avec lui en duo. Un adieu à la scène et une remarquable façon de clore une carrière scénique de près de 50 ans.

Guy Béart raconté par Bruno Gaccio

Léonard Foujita (1886-1968)

Tsuguharu Fujita est né à Tokyo en 1886. Il est le fils d’un général médecin de l’armée japonaise au temps de l’empereur Mutsuhito. Au sein d’une famille cultivée et ouverte sur le monde, il grandit en apprenant le français tout en étudiant la peinture occidentale à l’école des Beaux-Arts de Tokyo. Son diplôme en poche, en 1910, il n’a qu’une seule idée en tête, aller à Paris. C’est en 1913 qu’il parvient à s’embarquer pour une longue traversée maritime vers Marseille avant de rejoindre la capitale et, en particulier, le quartier des artistes à Montparnasse.

Au contact des plus grands créateurs comme Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Henri Matisse ou Fernand Léger, Fujita se lance dans la peinture avec succès pendant la Grande Guerre. En 1917, sa première exposition de 110 aquarelles dans un genre mi-japonais, mi-gothique, est un triomphe. Celui qui se fait appeler désormais Léonard Foujita entre dans le cercle fermé des artistes de premier plan et devient une référence. Il connaît la gloire dans le Paris des Années folles. En 1924, il peint notamment Youki, déesse de la neige, pour le salon d’Automne. Mondanités et vie privée tumultueuse sont au rendez-vous. Décoré de la Légion d’honneur en 1925, on parle de Léonard Foujita comme un passeur entre plusieurs cultures. En 1930, il peint quatre tableaux : Le Salon à Montparnasse, La Dompteuse au lion, Trois femmes et Le Triomphe de la vie sur la mort.

Après plusieurs années d’un voyage qui le mène notamment en Amérique latine, c’est en vedette qu’il revient au Japon en 1933. Pris dans la tourmente de la guerre, il soutient l’action militariste de son pays, tant à travers ses peintures telles Senso-ga (ou La Bataille de la rivière Khalka) que son engagement personnel. Mais, dès 1945, il saura se rapprocher des États-Unis afin de poursuivre sa carrière en Occident. On le retrouve ainsi à New York puis à Paris au début des années 1950. Ayant obtenu la nationalité française en 1955, converti au christianisme en 1959 avant de devenir mystique en s’installant dans la vallée de Chevreuse à Villiers-Le-Bâcle, Léonard Foujita réalise encore quelques œuvres remarquables comme la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix à Reims qui porte son nom et où sa dépouille repose désormais. Sa mort survenue à Zurich en 1968 éteint plusieurs décennies d’une vie d’artiste riche et passionnante entre Orient et Occident.

Léonard Foujita raconté par Lucien Jean-Baptiste

Noirs de France. De 1889 à nos jours : une histoire de France

Noirs de France est une série de trois documentaires produite par La Compagnie des Phares et Balises, co-écrite par Juan Gélas et Pascal Blanchard, réalisée par Juan Gélas, qui a été diffusée à partir de janvier 2012 sur France 5 et sortie en DVD en 2012. Après de nombreuses diffusions, Noirs de France existe aussi en version anglaise, diffusé sur la chaine Aljazeera et à l’étranger. La série a notamment reçu en mars 2012, à Londres, le Focal International Awards, décerné par The Federation of Commercial Audiovisual Libraries. Elle a également été primée par le prix du meilleur documentaire de télévision 2012, décerné par le Syndicat français de la critique de cinéma et des films de télévision et a reçu une Étoile à la SCAM en 2012 primant l’un des meilleurs documentaires de l’année. Les trois films suivent un parcours à travers le temps depuis la fin du XIXsiècle : Le temps des pionniers (1889-1939 / volet 1) ; Le temps des migrations (1940-1974 / volet 2) ; Le temps des passions (1975-2011 / volet 3). Plus de 400 heures d’archives visionnées, 850 références identifiées et classées, pour donner à voir une histoire en images jusqu’alors inédite. Ces films documentaires entrecroisent également les interviews d’une quarantaine de témoins-références qui sont partie prenante de cette histoire. Des spécialistes reconnus apportent leur regard sur ces 150 ans d’histoire, à l’image de Pap Ndiaye (historien), d’Élikia M’Bokolo (historien), de Mar Fall (sociologue), de Tyler Stovall (historien), d’Olivier Sagna (historien), de Sylvie Chalaye (historienne), d’Éric Deroo (historien), de Claude Valentin-Marie (sociologue).

Pascal Blanchard et Juan Gélas 
La Compagnie des Phares et Balises (2012)

en coproduction avec l‘INA

avec la participation de France Télévisions, Public Sénat et TV5 Monde

avec le soutien de l’Acsé, du CNC, du Procirep et de l‘Angoa

3x52 minutes 

La France noire. Trois siècles de présences des Afriques, des Caraïbes, de l’océan Indien & d’Océanie (La Découverte, 2011) sous la direction de Pascal Blanchard, Sylvie Chalaye, Éric Deroo, Dominic Thomas et Mahamet Timera

Histoire des Afro-Antillais en France (2011)

Noirs de France. De 1889 à nos jours : une histoire de France, Pascal Blanchard et Juan Gélas La Compagnie des Phares et Balises (2012)
Poster vidéo : Noirs de France. De 1889 à nos jours : une histoire de France, Pascal Blanchard et Juan Gélas La Compagnie des Phares et Balises (2012)
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