Les tribunes

Titre Les tribunes
Histoire globale de la France coloniale Le Monde et L'Humanité en parlent

Histoire globale de la France coloniale

Le Monde et L'Humanité en parlent

Histoire globale de la France coloniale Le Monde et L'Humanité en parlent

L'ouvrage collectif Histoire globale de la France coloniale, écrit sous la direction des historiens Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, et du politiste Dominic Thomas, est paru le 3 novembre 2022 aux Éditions Philippe Rey. Alors que l’année 2022 marque les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie, cet ouvrage se présente comme un bilan de la recherche historique sur les 30 dernières années. L’ouvrage rassemble une centaine de textes d’experts français et internationaux, les contributions offrent une vision à 360° de l’histoire coloniale, couvrant une période de près de trois siècles, allant de la fin du premier empire colonial jusqu’aux indépendances sans oublier les enjeux de la mémoire coloniale aujourd’hui. Pour la philosophe et journaliste Séverine Kodjo-Grandvaux dans Le Monde, « L’ouvrage parvient à relier ces différents aspects sous cinq grandes parties thématiques et chronologiques. Il s’en dégage alors une certaine cohérence qui permet de comprendre [...] et de saisir à quel point la question coloniale a été au cœur de la politique française des XIXe et XXe siècles. » La journaliste Latifa Madani écrit, quant à elle dans L’Humanité, que l’ouvrage « est sans conteste un outil précieux de connaissance et d’éclairage au moment où les débats autour de l’histoire et de la mémoire coloniales ont rarement été aussi brûlants dans la société française ».

L’« Histoire globale de la France coloniale » rendue accessible 

par Séverine Kodjo-Grandvaux, Le Monde, publié le 28 novembre 2022

Partant du constat que « depuis le début des années 1990, la “question coloniale”, englobant l’esclavage, la colonisation et leurs conséquences contemporaines, est devenue en France – mais aussi dans la plupart des pays d’Europe occidentale et aux Etats-Unis, en Inde, au Japon, au Canada, en Amérique du Sud et en Afrique – hautement polémique », des historiens ont décidé de publier une Histoire globale de la colonisation française. Une somme de plus de 800 pages et d’une centaine d’articles « fondateurs et novateurs, souvent ignorés du grand public », rassemblés par les historiens français Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, et leur confrère américain Dominic Thomas, membres du Groupe de recherche Achac. C’est à ce groupe de recherche que l’on doit les premiers travaux sur les zoos humains et, dès les années 1990, un certain nombre de parutions grand public revenant sur l’impact de la colonisation sur les imaginaires français.

La plupart des textes repris ici ont marqué la discipline ces trente dernières années, soit parce qu’ils ont ouvert de nouvelles pistes de réflexion et champs de recherche, soit parce qu’ils proposent une excellente synthèse des analyses et savoirs actuels sur des sujets très précis. Ils constituent, de fait, « un formidable vivier de connaissances ». L’objectif annoncé de l’ouvrage est de « permettre à chacun de mieux comprendre ce que fut la période coloniale pour la France et comment la colonisation a profondément transformé non seulement les pays colonisés, mais aussi l’Hexagone et ce, dans tous les domaines ». Elle a ainsi contribué à façonner une culture coloniale, comme en témoignent la littérature, le théâtre, le cinéma, et toute une série d’affiches de publicité ou de propagande, de photographies et autres couvertures de magazines. Quelques-unes sont reproduites dans un instructif cahier iconographique central de 48 pages, reproduisant une centaine d’illustrations parues entre la fin du XVIIIe siècle et le XXe siècle.

Les contributions reviennent sur des sujets aussi divers que la question de l’esclavage, « l’érotisation violente des femmes », « l’invention des “races sauvages” », « l’expédition d’Egypte et la construction du mythe napoléonien », « l’école et les colonies », le régime de l’indigénat, les problématiques militaires, économiques, politiques, « le mythe colonial de Vichy », « les élites noires en France au temps de l’empire », la participation de la science à « l’édification d’un ordre colonial », la création d’un lobby colonial… Il pourrait en sortir un sentiment de dispersion et d’éparpillement. Mais l’ouvrage parvient à relier ces différents aspects sous cinq grandes parties thématiques et chronologiques. Il s’en dégage alors une certaine cohérence qui permet de comprendre comment s’est constitué « le second empire colonial au monde » et de saisir à quel point la question coloniale a été au cœur de la politique française des XIXe et XXe siècles.

Les travaux rassemblés couvrent une période extrêmement large, de près de trois siècles, de la fin du premier empire colonial sous l’Ancien Régime, en 1763, jusqu’aux indépendances. Sans oublier l’époque actuelle et les multiples héritages coloniaux et impériaux, ainsi qu’en attestent les questions mémorielles soulevées ces dernières années, notamment à travers la question des statues déboulonnées ou de la restitution du patrimoine africain pillé, mais aussi le maintien d’une francophonie politique alors que la présence française en Afrique est aujourd’hui fortement remise en question.

Refusant le partisanisme des mouvements militants décoloniaux ou des nostalgiques de l’empire, l’équipe de recherche a tenu à publier des « travaux étant issus de courants interprétatifs ou de démarches méthodologiques différentes », aussi bien issus de courants que l’on pourrait qualifier de conservateurs ou de postcoloniaux, écrits par des historiens travaillant en France, en Afrique ou aux États-Unis, témoignant de la pluralité des approches ainsi que de l’ouverture de la discipline à la pluridisciplinarité. Un renouvellement des approches et des objets d’étude, « de l’histoire des femmes et du genre à l’histoire des minorités, de l’histoire des représentations à celle de l’imaginaire, de l’histoire économique à celle des groupes de pression, de l’histoire des violences à celles des multiples formes de résistance, des processus de conquête aux guerres de décolonisation, des cadres juridiques coloniaux à la complexité des gouvernances coloniales ».

Si l’histoire coloniale de la France a été relativement étudiée ces trente dernières années, il reste à la rendre accessible à un large public. Et ce d’autant plus qu’elle occupe encore une place très « marginale » dans les programmes scolaires, alors qu’« on ne peut qu’être frappé, écrivent les auteurs, par la jeunesse des participants aux manifestations visant la mise au jour de la “question coloniale” et ses conséquences actuelles ».

 

Une histoire séculaire, des résonnances actuelles

par Latifa Madani, L’Humanité, publié le 26 novembre 2022

La France coloniale, une histoire globale majeure qui parle au monde entier et à notre mémoire collective.  La connaître et la comprendre est d’utilité publique.  Deux siècles et demi d’histoire coloniale depuis 1763 à nos jours. C’est ce que propose cet ouvrage coordonné par quatre historiens spécialistes du sujet. Une somme de 864 pages qui rassemble les cent meilleurs textes-références écrits par des auteurs et chercheurs nationaux et internationaux. L’ouvrage n’est pas une simple compilation de ces textes. Ils les organisent selon une cohérence chronologique qui offre une approche à la fois historique, idéologique et culturelle de la colonisation. 

Les contributions sélectionnées permettent de  refaire le parcours  complet de l’entreprise coloniale à travers cinq grandes parties : (1) les débuts de l'utopie coloniale à la fin du siècle des Lumières et du Premier Empire ; (2) l'expansion et les conquêtes coloniales à marche forcée au XIXe siècle et la formation d’une culture coloniale ; (3) l'apogée colonial au XXe siècle, ses mythes sur l’économie et l’union nationale et la fragilité de l'Empire face aux premières revendications ; (4) les Indépendances, la fin du rêve colonial et les derniers feux de l’Empire ; (5) Après l’Empire et la mémoire ou la persistance des effets de la colonisation dans la société contemporaine. Un cahier iconographique de 48 pages vient compléter cette somme documentaire avec une centaine d’illustrations sur l’empire colonial, sa propagande à coup d’affiches et de dessins de presse ainsi que les scènes de la vie quotidienne notamment à travers une rare collection de cartes postales.

L’histoire coloniale de la France qui se trouve au cœur du récit national, a traversé les siècles et les régimes politiques. Elle est présente sur les cinq continents et les océans. En effet, plus de cinquante Etats indépendants ainsi que les Etats et territoires ultra marins sont concernés. « Par son ampleur historique, la pluralité des signatures qui le portent, la multiplicité des perspectives qu’il offre et ouvre sur la colonisation, ce travail est promis à devenir une référence majeure pour tous les publics » écrit dans sa préface, Mohammed Mbougar Sarr, le lauréat du Goncourt 2021. « On le referme non seulement édifié, conclut l’écrivain, mais convaincu que ce n’est que par la connaissance puis la transmission de cette histoire que les luttes mémorielles trouveront une manière d’apaisement, et que l’opposition souvent jouée entre valeurs républicaines supposées et communautarisme prétendu pourrait avoir une chance d’être surmontée. »

60 ans après l’indépendance de l’Algérie et donc la presque fin de l’empire colonial, cet ouvrage fera date. Il est sans conteste un outil précieux de connaissance et d’éclairage au moment où les débats autour de l’histoire et de la mémoire coloniales ont rarement été aussi brûlants dans la société française.