Sonia Le
Gouriellec est docteure en sciences politiques et relations internationales,
chercheuse associée, entre autres, à la Fondation pour la recherche stratégique
(FRS), et elle enseigne en tant que maîtresse de conférences en Science
politique à la faculté de Droit de l’Université catholique de Lille. Ses
travaux se centrent autour des questions de sécurité et de paix dans la Corne
de l’Afrique. Autrice de Djibouti : la diplomatie de géant d’un petit
État (Septentrion, 202) et de Géopolitique
de l’Afrique (Que sais-je ?/ PUF, 2022),
elle a publié, en novembre 2022, Pourquoi l’Afrique est entrée dans
l’histoire (sans nous) ? aux Éditions Hikari
qu’elle présente dans cette tribune. Composée de 55 États, l’Afrique est
fréquemment dépeinte comme un continent uniforme, dépolitisé et anhistorique ;
un vaste espace en friche à la périphérie du monde, condamné à la misère et aux
conflits. Quels préjugés, quels imaginaires ont bâti cette vision partielle et
erronée de l’Afrique ? En quoi
retardent-ils la construction d’une relation égalitaire et pacifiée entre la
France et les pays africains ?
« Depuis les textes de Friedrich Hegel,
au début du XIXe siècle, en passant par la célèbre BD de
Hergé, jusqu’au discours de Nicolas Sarkozy, à Dakar en 2007, on persiste à
représenter ce continent comme une unique civilisation et qui plus est
totalement dépolitisée. Ces discours, souvent teintés d’un certain type de “misérabilisme”
(point de vue qui a la vie dure et reste longtemps ancré dans les esprits) »,
dénient toute spécificité à l’ensemble des processus historiques, économiques,
politiques et sociaux qui se déroulent et transforment peu à peu le continent
africain.
Que
savons-nous de l’Afrique ? Pour quelles raisons flotte-il sur ce continent
un halo de préjugés et de stéréotypes endémiques sur lesquels il suffirait de
se pencher en récolter les « perles » ? Un certain nombre de
prénotions non analysées hantent en effet la vision que nous avons de ce
continent aux caractères pourtant multiples et que nous feignons d’ignorer. Cet
ouvrage propose de relever une à une les méconnaissances qui entourent
l’Afrique, afin de combattre la naïveté ou l’aveuglement volontaire, frisant
parfois une forme d’indifférence vaguement ornée de fantasmes qui ont survécu à
une époque à présent largement dépassée.
Dans cet
ouvrage, l’objectif est celui-ci : il s’agit de « comprendre pourquoi
l’on ne comprend pas » ce continent, voisin pourtant du nôtre, et
qu’est-ce qui nous pousse ainsi à vouloir conserver des stéréotypes pourtant
périmés, alors même que nos regards ont évolué pour d’autres parties du monde.
L’idée de
ce livre n’est pas uniquement de se lancer dans une bataille de
représentativité ou de tenter une énième (bien que salutaire) déconstruction
des représentations sur l’Afrique. Nous n’invitons pas à étudier l’Afrique pour
ses différences, ce qui relèverait d’un prisme par trop exotique, mais comme
partie intégrante du monde et non comme une simple « périphérie ».
L’invention
de cet ouvrage est, en ce sens, d’aborder d’une manière analytique la
déconstruction de l’imaginaire installé depuis plusieurs siècles. Il traite
donc d’un paradoxe : alors que notre époque se caractérise par un
véritable « désir d’Afrique », et qu’en France nous partageons de
nombreux liens économiques, sociaux, historiques avec une partie des pays du
continent africain, nous demeurons pourtant toujours assez ignorants de ses
réalités.
Nous analysons
en particulier le principal relais d’informations à disposition des citoyens
que sont les médias au sens large. Pourquoi confond-on un pays avec un
continent ? Nous verrons que l’Afrique n’est pas seulement mal représentée
(malgré, ces dernières années en France, quelques efforts notoires) mais aussi sous
représentée. L’idée qui reste toujours ancrée dans l’imaginaire collectif
est apparemment celle d’une Afrique statique, hors du temps, ce qui apporte un
certain crédit à cette autre « idée » ou sentiment que le continent
africain est entièrement recouvert « de jungles ou de déserts », et
qu’il manque irrémédiablement d’une histoire qui lui serait propre... De plus,
sans individualité particulière ni caractéristiques sociales, historiques et
d’origines diverses, tous les habitants, selon cette approche, devraient être
coulés dans le même moule...
Pour
finir, nous proposerons d’interroger deux représentations communes d’un tel
continent : pourquoi a-t-on si peu de connaissance sur l’Afrique ? et
pourquoi la France semble aujourd’hui en retard sur les évolutions du continent
africain ? Pourquoi ? »
Sommaire
Chapitre 1 : Parce
que nous avons des fantasmes sur l’Afrique
Chapitre 2 : Parce
que nous avons ignoré la diversité du continent africain
Chapitre 3 : Parce
que nous caricaturons l’Afrique
Chapitre 4 : Parce
que nous pensons que rien ne change en Afrique
Chapitre 5 : Parce
que le racisme n’a pas disparu
Chapitre 6 : Parce
que nous ne la connaissons pas
Chapitre 7 : Parce que
l’Afrique n’est plus un pré carré de la France