Trente Glorieuses et conflits coloniaux
En 1946, le ministère des Colonies devient celui de la France d’outre-mer. Le mouvement de séparation entre la France et ses colonies devient inévitable. Pourtant, l’immigration coloniale se fait plus visible en région parisienne, pour répondre à l’appel du patronat et à la reconstruction. Les étudiants sont de plus en plus nombreux et ils sont notamment installés résidence Poniatowski (XIIe arrondissement) ou à la Cité universitaire internationale.
Des foyers se trouvent en banlieue comme à Cachan, Sarcelles, Rungis, Athis-Mons… En 1945, seules quelques dizaines d’étudiants sont présents ; à l’heure des indépendances, ils sont plus de cinq mille. Dans le même temps, plusieurs milliers de travailleurs indochinois arrivés en 1939 attendent toujours leur rapatriement. Au début des années 50, cette présence vietnamienne, visible dans la restauration, la petite industrie et le négoce, se double d’une présence chinoise implantée dans le quartier des Arts et Métiers ou autour de la gare de Lyon. Les caves de Saint-Germain-des- Prés connaissent la mode du jazz. La salle Pleyel accueille le premier festival de jazz de Paris.
Le cabaret La Rose Rouge, dans le Ve arrondissement, devient un haut lieu de « la poésie nègre ». Paris retrouve son statut de capitale de la diaspora noire de l’avant-guerre. Au cours de ces années, l’immigration va connaître son expansion la plus forte depuis le début du siècle. Les travailleurs maghrébins vivant en région parisienne sont hébergés dans des conditions dramatiques, notamment dans les bidonvilles ou les garnis des banlieues. En 1953, on compte onze mille enfants parmi les quelque deux cent mille Algériens, dont plus de la moitié vit à Paris et sa région. Les Marocains prennent de l’importance dans les flux annuels, jusqu’à atteindre dix mille personnes en 1953.
Toutefois, l’actualité politique domine ce quart de siècle. La lutte pour les indépendances entre dans sa phase finale et constitue une lame de fond dont Paris ressent les effets. Avec la défaite de Diên Biên Phu en 1954, l’Empire s’effondre en Asie. Plus de trente-cinq mille « rapatriés » arrivent en France. Quelques mois plus tard, l’insurrection algérienne annonce que le tour de l’Afrique est venu. Suite à la répression sanglante de la place de la Nation en juillet 1953 et le déclenchement de la guerre d’Algérie en 1954, Paris bascule dans une décennie de crise, avec les indépendances au Maroc et en Tunisie, et le conflit au Cameroun. Ce conflit va creuser un fossé entre « défenseurs du monde libre » et opposants à la « sale guerre », alors que la France adule des sportifs de premier plan qui émergent de cette population immigrée comme Alain Mimoun ou Larbi Ben M’Barek.