Expositions

Nouvelles générations, nouveaux enjeux (2001 à nos jours)

« C’est tout un pan de l’histoire de France qui apparaît devant nos yeux. »

Benjamin Stora, 2012

Cette dernière décennie redessine les contours de la France arabo-orientale. Alors que les Arméniens s’affirment plus nettement dans les enjeux politiques et mémoriels, les populations d’origine turque ou kurde assurent leur spécificité culturelle aux marges de la société française. Les Syro-Libanais semblent invisibles, les harkis demeurent les éternels oubliés du récit national, alors que les pieds-noirs et les juifs d’Afrique du Nord inscrivent désormais leurs histoires dans le récit national. A contrario, les Maghrébins continuent d’être les prisonniers de discours très racistes dans une France abasourdie par la présence de l’extrême droite au second tour des élections présidentielles de 2002, et encore prisonniers d’une histoire coloniale mal digérée. L’entrée dans les imaginaires collectifs des « Qataris » n’est pas sans rappeler l’imaginaire du premier choc pétrolier qui remonte à près de quarante ans, comme le fait de résumer ces identités multiples sous le qualificatif de « musulmans », au moment où cette religion est devenue la seconde de France. Au cours de ces dernières décennies, l’imaginaire s’est clairement fixé sur un Orient « inquiétant », sous les ombres portées de la guerre en Irak et du conflit en Afghanistan.

C’est dans ce contexte qu’est réactivé le mythe de l’« ennemi intérieur », comme en 2005, explicitement arabo-musulman et issu des banlieues. Pourtant, dans tous les domaines, culturel, littéraire et artistique, mais aussi économique ou politique, jamais les présences arabo-orientales n’ont été aussi riches et prégnantes. Ainsi, émerge toute une génération de réussites exemplaires, derrière des personnalités de premier plan comme le héros de 1998, Zinédine Zidane. On pense, notamment, au « comique urbain » du stand-up et acteur populaire Jamel Debbouze (focus 4), mais aussi à Gad Elmaleh, Samir Guesmi, Roschdy Zem, Sami Bouajila ou Dany Boon, ou encore le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche récompensé par la Palme d’or à Cannes en 2013, alors que la chanson de variété ou le rap consacrent des artistes comme Amel Bent ou le groupe 113, au côté de personnalités du patrimoine national comme Enrico Macias ou Charles Aznavour, et des artistes engagés comme Zebda (focus 3). Les gloires sportives reflètent également ces présences avec des champions tels l’athlète Mahiedine Mekhissi-Benabbad ou le footballeur Karim Benzema, et la littérature s’enrichit d’auteurs majeurs tels Yasmina Khadra, Abdellatif Laâbi, Abdellah Taïa, Albert Memmi, Malek Chebel, Leïla Sebbar ou Amin Maalouf (focus 1). En 2007, la nomination d’un ministre régalien comme Rachida Dati puis celle de Fadela Amara contrastent avec la quasi inexistence de représentant politique national d’origine maghrébine dans les hémicycles de l’Assemblée nationale ou à la tête d’une grande ville.

Cette situation s’infléchit en 2012 avec l’arrivée d’une nouvelle génération de députés et de ministres comme Najat Vallaud-Belkacem, Razzy Hammadi, Kader Arif ou Yamina Benguigui, qui rejoignent d’autres élus comme la vice-présidente du Sénat Bariza Khiari née en Algérie, la sénatrice d’origine turque Esther Benbassa, le sénateur né au Maroc David Assouline ou les députés Henri Jibrayel et Élie Aboud, originaires du Liban et Patrick Devedjian d’origine arménienne. Balançant entre reconnaissance et rejet, la France arabo-orientale présente un double visage, avec d’un côté une France qui accepte — et parfois célèbre — plusieurs siècles d’histoire commune, et de l’autre une France qui persiste à rejeter une composante de sa population et un héritage multiséculaire faisant des Arabo-Orientaux les étrangers de l’intérieur.

 

Amin Moulouf

Originaire du Liban, Amin Maalouf quitte son pays en pleine guerre civile en 1976 pour entamer une carrière de journaliste puis d’écrivain à succès. Auteur d’ouvrages d’érudition mais aussi de nombreux romans, il sera le lauréat du prix Goncourt en 1993 pour Le rocher de Tanios, et marque en profondeur les lecteurs en 1998 avec son livre Les identités meurtrières, avant d’être élu à l’Académie française en 2011.

Charles Aznavour

Né Chahnourh Varinag Aznavourian, Charles Aznavour est un auteur-compositeur-interprète d’origine arménienne. Il rencontre son premier grand succès populaire en 1956 avec son premier Olympia. Il reste attaché à ses origines à travers sa chanson Pour toi Arménie (1989) suite au terrible tremblement de terre de 1988. Il est aujourd’hui représentant de l’Arménie auprès de l’ONU.

Zebda

Le groupe toulousain Zebda symbolise le mouvement de mobilisation des quartiers populaires. Composé d’un trio de chanteurs d’origine algérienne (Magyd Cherfi, Hakim et Mouss), ils rencontrent le succès avec leur album engagé Le bruit et l’odeur (1995). L’implication du groupe dans la vie politique toulousaine conduit à la présentation de la liste Motivé-e-s, conduite par Salah Amokrane. Leur activité civique, dans l’univers culturel et d’échange des savoirs autour des immigrations, se concrétise à travers le festival annuel Origines contrôlées.

Jamel Debbouze

Originaire de Trappes en banlieue parisienne, l’acteur et humoriste Jamel Debbouze est issu de la tradition scénique des ligues d’improvisation. Il se fait connaître sur les ondes de Radio Nova durant les années 90, puis à la télévision sur Canal+. Durant les années 2000, il devient un acteur incontournable du cinéma français. En 2006, il reçoit le prix d’interprétation au festival de Cannes pour le film Indigènes, avant de s’engager en 2013 dans le film La Marche.


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