Expositions

Le temps des négritudes (1930-1939)

« On y trouve toutes les races, noire, jaune, blanche, mais c’est la noire qui domine. »

Ernest Léardée, La biguine de l’oncle Ben’s, 1989

En 1931, s’ouvre à Vincennes l’Exposition coloniale internationale avec en son centre le palais des colonies (focus 2) (toujours visible aujourd’hui Porte Dorée). Plus de cinq cents Africains et une centaine de Caribéens y participent. Trente-quatre millions de tickets sont vendus, ce qui en fait la plus importante manifestation de l’entre-deux-guerres en Europe. En opposition, les surréalistes organisent avec la CGTU une contre exposition La vérité sur les colonies et rédigent un tract appelant au boycott — « Ne visitez pas l’Exposition coloniale » — afin de protester contre les massacres coloniaux. Cependant, la culture noire trouve d’autres moyens de s’affirmer. Paris devient ainsi le lieu de la « pensée noire » avec la création de revues et salons comme celui de Paulette Nardal, première femme martiniquaise à étudier à la Sorbonne. Simultanément, le jazz, la biguine et les rythmes afrocubains s’imposent dans les cabarets de la capitale et en régions.

Cette « présence exotique » déclenche une négrophobie alimentée par la presse. Le monde du sport ne semble toutefois pas touché par ce phénomène. Le boxeur afro-américain Panama Al Brown devient, en effet, une figure populaire et Raoul Diagne est le premier Afro-Guyanais à être sélectionné en équipe nationale de football en 1931. Dès 1935, à Paris, la valorisation de la culture noire marque la naissance d’un discours autour de la Négritude. Par ailleurs, après Henry Lémery, sous-secrétaire d’État aux Transports maritimes pendant la Grande Guerre, les années 30 voient plusieurs hommes politiques afro-antillais occuper le poste de sous-secrétaire d’État aux Colonies : Alcide Delmont (1929), Auguste Brunet et Blaise Diagne (1931) ou Gratien Candace (1932). Par la suite, un rapprochement se fait entre les élites noires et les partis de gauche, les unissant au Front Populaire en 1936. Gaston Monnerville devient sous-secrétaire d’État aux Colonies en 1937 et l’Antillais Gratien Candace (focus 1) est élu vice-président de la Chambre des députés en 1938, signes d’une « intégration » visible dans les structures de la République. Toutefois, face à la menace grandissante d’une nouvelle guerre, ni l’intelligentsia parisienne ni l’opinion publique ne sont disposées à écouter les revendications d’une nouvelle pensée noire et la demande d’égalité politique.

 

Gratien Candace (1873-1953)

Gratien Candace est un homme politique, élu député de la Guadeloupe en 1912. Il développe des compétences multiples et reconnues qui le conduisent aux plus hautes responsabilités gouvernementales. Sous-secrétaire d’État aux Colonies en 1932-1933 dans les cabinets de centre gauche d’Édouard Herriot puis de Joseph Paul-Boncour, il est élu vice-président de la Chambre des députés entre 1938 et 1939. Gratien Candace est perçu comme un représentant de l’empire français au moment de son apogée, tout en étant très actif dans la réflexion sur l’empire colonial et dans le mouvement panafricain. Il sera de ceux qui soutiendront le régime sous Vichy.

Le Palais des colonies

Le palais de la Porte dorée est l’un des rares vestiges de l’Exposition coloniale internationale de 1931. Sa construction débute en 1928, sous le patronage de Gaston Doumergue, président de la République française. Pendant l’Exposition, ce bâtiment de 16 000 m2 prend le nom de palais des Colonies et devient par la suite le musée des Colonies, avant d’être transformé, dans les années 60, en musée des Arts africains et océaniens (MAAO). La Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) s’installe en 2007 dans cet édifice colonial déclenchant alors une vive polémique, accentuée par sa non-inauguration par le gouvernement français.

 


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