L’armée d’Afrique (1940-1945)
Depuis septembre 1939, la France est en guerre. Plus de trente-huit mille soldats des colonies africaines sont présents en métropole pour soutenir l’effort de guerre à l’arrière et sur les fronts. Les Nazis, empreints du souvenir de la propagande contre les troupes noires de la Première Guerre mondiale, entretiennent une propagande intense et massacrent des centaines de combattants afro-antillais. Le 22 juin 1940, l’Armistice met fin aux exactions les plus criminelles (dont le tata de Chasselay (focus 3) porte la mémoire), mais elle annonce aussi une période de ségrégation pour les troupes noires présentes en France : exclues de l’armée française, elles sont obligées à rester dans leurs casernes au sud de la France, où les prisonniers de guerre ont des conditions de captivité difficile. Le régime de Vichy s’engage alors dans un discours dual et complexe. D’une part, on note une promotion impériale, avec la nomination de l’Antillais Henry Lémery comme ministre des Colonies en 1940. De l’autre, des mesures ségrégatives et des interdictions à l’encontre des Noirs se multiplient dès les premiers jours du régime. En outre, les Allemands refusent de garder des « hommes de couleur » sur leur sol et exigent des autorités françaises l’ouverture de Frontstalags en France pour leurs « prisonniers indigènes ».
Nombre de soldats noirs ou de prisonniers évadés rejoignent la Résistance, comme le Guinéen Addi Bâ (focus 2) ou le gouverneur du Tchad, Félix Éboué (focus 1), qui rallie la cause du général de Gaulle dès le 18 juin 1940 et donne ainsi « le signal de redressement de l’empire tout entier ». En août 1943, les Forces françaises libres fusionnent avec l’Armée d’Afrique. Elles représentent le cœur des forces gaullistes, qui libèrent le sud de la France lors de l’été 1944. Mais cédant à la pression des États-Unis, le pouvoir politique décide de « blanchir » les troupes qui défileront lors de la Libération de Paris. La présence de ces combattants et travailleurs noirs en métropole bouleverse l’ordre des choses et dès l’été 1944, les autorités prennent de premières mesures drastiques pour limiter le métissage et organiser le retour des combattants en Afrique. Les conditions précaires et les problèmes de régularisation de soldes créent des rancœurs ainsi que de nombreuses révoltes, aussitôt réprimées par les autorités françaises.
Félix Éboué (1884-1944)
Administrateur colonial d’origine guyanaise, il rallie la cause du général de Gaulle dès les premières heures de la Résistance. Quand s’annonce le Centenaire de l’abolition de l’esclavage, en 1948, le gouvernement décide de lui rendre hommage au Panthéon en compagnie de Victor Schoelcher. La cérémonie a lieu le 27 avril 1948. Gaston Monnerville rappela à cet instant que « c’est [un] message d’humanité qui a guidé Félix Éboué, et nous tous, Résistants d’outre-mer, à l’heure où le fanatisme bestial menaçait d’éteindre les lumières de l’esprit et où, avec la France, risquait de sombrer la liberté ».
Le tirailleur-résistant Addi Bâ (1916-1943)
Le Guinéen Addi Bâ arrive jeune en France, à Langeais (Indre-et-Loire). Il s’engage dès le début de la guerre dans le 12e régiment de tirailleurs sénégalais, avant d’être capturé en juin 1940. Il est interné à Neufchâteau, d’où il s’évade avec quelques camarades africains. Dès octobre 1940, il entre en contact avec le réseau de la Résistance et, en mars 1943, participe à l’établissement du premier maquis des Vosges, le camp de la Délivrance, qui abrite des réfractaires du STO (Service du travail obligatoire). Le maquis est attaqué en juillet. Traqué par la police allemande, Addi Bâ est arrêté le 15 juillet 1943 et conduit à Épinal où il est torturé. Il est fusillé le 18 décembre 1943.
Le tata de Chasselay
Les 19 et 20 juin 1940, des soldats sénégalais résistent à l’avancée des troupes allemandes dans la région lyonnaise. Cent quatre-vingt-huit soldats africains seront massacrés. Ce tata, cimetière traditionnel africain à l’architecture d’inspiration soudanaise, sera inauguré par le régime de Vichy le 8 novembre 1942, en présence du député sénégalais Galantou Diouf, pour saluer leur héroïsme. Dès la Libération, le 24 septembre 1944, un nouvel hommage est rendu à ces combattants par Yves Farge, commissaire de la République, sous la présidence du général Doyen. Il est à nouveau inauguré par la République en 1947 en présence du député ivoirien Ouezzin Coulibaly.