Les tribunes

Titre Les tribunes
L’esclavage raconté aux enfants par Frédéric Régent

L’esclavage raconté aux enfants

par Frédéric Régent

L’esclavage raconté aux enfants par Frédéric Régent

Frédéric Régent est maître de conférences et directeur de recherche à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Spécialiste de l’histoire de la colonisation, de l’esclavage et de la Révolution française, il a notamment publié La France et ses esclaves (Grasset, 2007, Pluriel-Fayard, 2012), Libres et sans fers, paroles d’esclaves français (avec Gilda Gonfier et Bruno Maillard) (Fayard, 2015), Les maîtres de la Guadeloupe (Tallandier, 2019). Il est également investi dans les politiques mémorielles et a été président du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage de 2016 à 2019. Depuis 2019, il est conseiller scientifique auprès des ministres de la Culture et des Outre-mer, du projet de mémorial des esclaves aux Tuileries. Pour les Éditions de la Martinière, il propose l’album L’esclavage raconté aux enfants, un grand livre illustré avec une centaine de photographies. L’ouvrage a pour ambition de proposer une première approche de l’histoire de l’esclavage dans le monde et des luttes abolitionnistes, de l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui.

Enseigner l’esclavage aux enfants est une de mes grandes préoccupations depuis que je suis enseignant. J’ai commencé à l’enseigner lors de mes débuts en tant que professeur d’histoire-géographie dans le collège de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe en 1995. C’est d’ailleurs cette année-là que j’ai entamé mes recherches sur les sociétés esclavagistes, qui ont donné lieu à ma thèse Entre esclavage et liberté, esclaves, libres de couleur et citoyens de couleur en Guadeloupe, une population en révolution (1789-1802), publiée en 2004 sous la forme d’un ouvrage intitulé Esclavage, métissage, liberté (Grasset, 2004). Lorsque j’abordais la question en classe, la première question que je posais était : « De quelle couleur sont les esclaves ? ».

Immanquablement la réponse était « noire ». Devant un public antillais, ma priorité a d’abord été de déconstruire l’idée très présente chez les élèves que seuls les Noirs avaient été esclaves.

J’inscrivais le phénomène esclavagiste dans sa longue durée. Ensuite, je suis devenu enseignant-chercheur, j’ai écrit des ouvrages de type universitaire en essayant de les ouvrir à un public plus large. L’idée de m’adresser aux enfants m’intéressait. Mais comment faire ? Il y a les manuels scolaires, des bandes dessinées sur l’esclavage, mais je ne suis pas dessinateur.

Lorsque Chloé Samain des Éditions de La Martinière m’a sollicité pour un ouvrage sur l’esclavage raconté aux enfants, j’ai immédiatement accepté. Dans le cadre d’une collection d’une trentaine de titres qui aborde la Seconde Guerre mondiale racontée aux enfants ou le train raconté aux enfants, je pouvais bénéficier d’une expérience de l’édition jeunesse.

Il s’agissait alors d’écrire 32 doubles pages et de trouver des illustrations d’époque. J’ai voulu commencer cette histoire avant l’histoire, c’est-à-dire avant l’invention de l’écriture. Si le propos est centré sur l’esclavage dans les colonies européennes du XVIe au XIXe siècle, j’ai voulu inscrire cette histoire sur la longue durée du néolithique à nos jours. Toute l’iconographie est contemporaine des faits décrits. Il y a un même un objet fabriqué par un esclave : un crucifix sculpté dans un os de bœuf représentant le Christ en croix.

Il est important d’enseigner cette tragédie humaine qu’est l’esclavage aux enfants, car cette histoire permet de comprendre le fonctionnement du monde. Elle nous renseigne sur les formes de domination, sur l’usage de la violence pour garantir un ordre établi, sur la création de catégories pour diviser la population. Elle nous montre aussi comment peu à peu une économie capitaliste connectée au monde s’est mise en place.

S’adresser aux enfants n’est pas simple. La collection racontée est forte d’une expertise en la matière. La première version de mes textes a donc été pas mal revue et corrigée par Chloé Samain. Nous nous sommes posé des questions sur l’usage d’images trop violentes ou sur l’adaptation du texte aux enfants. Il nous semble que nous sommes parvenus à décrire l’horreur de l’esclavage sans pour autant horrifier les enfants.

Cet ouvrage est destiné aux enfants, mais aussi à leurs parents, à leurs enseignants pour qu’ils leur enseignent l’esclavage. Il appartient, grâce à son iconographie, à la catégorie des beaux livres.

SOMMAIRE


  • Esclavage d’hier et d’aujourd’hui
  • Une histoire vieille de milliers d’années
  • L’esclavage au temps des chevaliers
  • Les Portugais, marchands d’esclaves
  • Libérez les Amérindiens !
  • La France et l’Angleterre regardent vers l’Amérique
  • Des engagés aux esclaves
  • La traite négrière
  • Portrait : Olaudah Equiano
  • Sur le champ !
  • Plus ou moins favorisés
  • Une plantation de canne à sucre
  • Les esclaves en ville
  • Au service du maître
  • Être une femme esclave
  • La vie d’un enfant
  • Un emploi du temps sous contrôle
  • Les esclaves et la religion
  • Les Codes noirs
  • Les propriétaires d’esclaves
  • Enfin libres !
  • Portrait : Joseph Bologne
  • Portrait : Guillaume Guillon Lethière
  • Discriminés à cause de leur couleur de peau
  • Échapper à l’esclavage
  • Vivre sur l’océan
  • Se révolter
  • Esclaves et libres de couleur en révolution
  • Les premiers pas vers l’abolition
  • Napoléon ou le retour en arrière
  • Portrait : Cyrille Bissette
  • Portrait : Harriet Tubman
  • La fin de l’esclavage ?