Une culture plurielle d’hier à aujourd’hui (2009-2017)
« On a demandé à nos arrière-grands-parents de défendre la France, à nos grands-parents de la reconstruire, à nos parents de la nettoyer, et nous on va essayer de la… raconter. »
Jamel Debbouze, 2012
Les années 2015 et 2016 ont été charnières. Le flux sans précédent des réfugiés en provenance du Moyen-Orient ou de la Corne de l’Afrique fuyant la guerre ou la dictature, mais aussi les migrants cherchant à rejoindre l’Europe avec, en toile de fond, le choc des attentats ayant frappé la France et plusieurs grandes capitales du monde, ont marqué en profondeur les opinions. Et pourtant, la société française n’a jamais été aussi pluriculturelle, jamais les héritiers des immigrations des générations précédentes n’ont été si populaires. Ce paradoxe qui traverse le temps présent et qu’illustre par exemple le classement des « personnalités préférées des Français ». Omar Sy est à la première place et domine dans toutes les classes d’âge, pour les hommes comme pour les femmes, l’année de son succès avec le film Chocolat (2016). On retrouve aussi Jean-Jacques Goldman aux origines polonaises à la troisième place ; puis Dany Boom aux origines kabyles ; ensuite Florence Foresti, Jean-Paul Belmondo et Jean Reno tous les trois d’origine italienne ; sans oublier Gad Elmaleh et Jamel Debbouze aux origines marocaines, ce dernier étant le fondateur du Jamel Comedy Club, creuset des personnalités de demain. On retrouve aussi Nagui aux origines égyptiennes à la quatrième place de ce classement. On pense aussi à Charles Aznavour aux origines arméniennes ou à Yannick Noah aux origines camerounaises. La France est bien un pays mosaïque qui apparaît dans ce classement, et qui se reflète à travers les arts et la culture.
De fait, les différentes vagues d’immigration ont façonné le visage de la France, un processus que vient illustrer l’édition 2016 des Enfoirés avec des artistes comme Shy’m, Soprano, Tal ou Black M… ou la photographie des victoires de la musique 2013 à la façon de Salut les Copains 1966. Barbara Carlotti, Shaka Ponk ou Nekfeu incarnent la génération actuelle des idoles, comme Johnny, Sylvie Vartan ou Serge Gainsbourg, presque cinquante ans plus tôt. Depuis maintenant vingt-cinq ans, le classement du Top 10 des ventes de singles en France présente 75 % d’artistes ayant des origines étrangères ou ultramarines. Les arts plastiques incarnent tout autant cette diversité. On pense évidemment au musée du quai Branly, à l’Institut du monde arabe, notamment aux dialogues proposés par une exposition comme L’envers des corps (2014), à la Villette avec l’exposition Kréyol Factory (2009), ou au musée national de l’Histoire de l’immigration, la même année, avec l’exposition Générations, un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France. Les cinéastes s’affirment également au sein de cette génération : parmi eux Abdellatif Kechiche, dont le film La Vie d’Adèle est récompensé par la palme d’or à Cannes en 2013, mais aussi Florent-Emilio Siri avec son film Cloclo (2012) ou encore Lisa Azuelos avec son film Dalida (2017) et, bien évidemment, l’immense succès populaire qu’a connu le film Intouchables, avec Omar Sy, en 2012. Le paysage de la danse contemporaine française est tout aussi représentatif et, en accueillant les chorégraphies de Nacera Belaza, Mourad Merzouki, Kader Belarbi ou d’Angelin Preljocaj, elle confirme son statut de scène internationale. Cette France mosaïque est également représentée à travers le théâtre, la génération des youtubeurs (avec Pat, Mister V, Le Rire jaune, le Woop ou le Bled’art) ou les arts plastiques, véritables creusets des identités multiples de la société française.