Les précurseurs des années folles (1919-1931)
« En art, il n’y a pas d’étranger. »
Constantin Brancusi, 1922
À la fin de la Grande Guerre, de nombreux combattants américains ou coloniaux restent en France et à Paris. La capitale est alors celle des libertés, accueillant des réfugiés politiques venus des confins de l’Europe ; des Arméniens rescapés du génocide qui commence en 1915, des « Russes blancs » fuyant la Révolution bolchevique d’octobre 1917 et des Italiens quittant leurs pays suite à l’accession au pouvoir de Mussolini en 1922. La capitale accueille également un nombre croissant d’artistes arabo-orientaux. Les peintres Miloud Bourkeche, Yahia Turki, Georges Hanna Sabbagh, le chanteur algérien Mahieddine Bachetarzi ou le compositeur algérien Mohamed Iguerbouchen… Au Tam-Tam, près de la place Saint-Michel ou à La Casbah, rue Saint-André-des-Arts, se produisent Didouche Sayah ou Aïssa Djermouni, devant le tout-Paris. La capitale accueille des artistes afro-américains qui installent une « vogue noire » sans précédent. Le jazz, la biguine, le black bottom et les rythmes afro-cubains s’imposent dans les cabarets et enfièvrent les nuits parisiennes tout au long des années 20. En 1924, Jean Rézard des Wouves ouvre le Bal Nègre, rue Blomet. L’endroit devient rapidement un lieu de référence, accueillant tous les Antillais de l’avant-garde musicale, comme le guitariste Pollo Malahel ou le clarinettiste Robert Clais. Un an plus tard, c’est La Revue nègre qui débarque au Théâtre des Champs-Élysées. Joséphine Baker, une jeune Afro-Américaine, en devient la vedette, accompagnée de l’orchestre de jazz de Claude Hopkins dans lequel joue aussi Sydney Bechet. Le spectacle fait sensation et c’est un nouvel idéal de liberté que viendront incarner des danseurs et des acteurs comme Joe Alex ou Féral Benga.
L’exotisme fait alors recette et ce sont très rapidement des danseurs du monde entier qui vont se produire dans des spectacles de variétés sur les scènes des music-halls : de l’Espagnol Vincente Escudero au duo de danseurs d’Hawaï, Kanui et Lula, en passant par l’Éthiopienne Mayomi. Le Paris des arts plastiques est tout aussi dynamique autour de ce que l’on nomme l’« École de Paris », un rassemblement qui s’oppose à tout académisme et qui traverse tous les courants : le cubisme avec Pablo Picasso, le surréalisme avec Giorgio De Chirico, le dadaïsme avec Francis Picabia qui offre aux Parisiens une rétrospective en 1930, l’art abstrait avec Vassily Kandinsky… À partir de mai 1931, débute l’Exposition coloniale internationale, à Paris. Représentations théâtrales, spectacle de danseuses de Bali et du Cambodge et concerts, comme le bal antillais du pavillon de la Guadeloupe qui, animé par l’orchestre du clarinettiste martiniquais Stellio, remporte un large succès et préfigure la passion pour la biguine qu’incarnera Ernest Léardée…